Le concept de vie dans les travaux de Michel Foucault
Auteur / Autrice : | Manuel Mauer |
Direction : | Frédéric Gros |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Soutenance le 20/03/2012 |
Etablissement(s) : | Paris Est en cotutelle avec Universidad de Buenos Aires. Facultad de filosofía y letras |
Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2010-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Lettres, Idées, Savoirs (Créteil) |
Jury : | Président / Présidente : Frédéric Worms |
Examinateurs / Examinatrices : Frédéric Gros | |
Rapporteur / Rapporteuse : Edgardo Castro, Francisco S. Naishtat |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Des analyses consacrées au vitalisme de Bichat, en 1963, à l’étude du bios cynique dans les toutes dernières leçons de son dernier cours au Collège de France, les références à la vie sont constantes dans l’œuvre de Michel Foucault. C’est dans le cadre du projet philosophico-politique d’un dépassement de l’humanisme moderne que la question de la vie fera irruption dans son œuvre. Notre thèse est désormais que le défi auquel sera confrontée la pensée foucaldienne, consistera à déplacer le centre de l’analyse de l’homme (en tant que fondement supposé des savoirs et des pouvoirs modernes) vers la vie (i.e., vers les savoirs et les pouvoirs qui l’investissent et la produisent), sans pour autant faire de celle-ci un nouveau fondement (que ce soit à la manière d’une philosophie naturaliste, d’une ontologie vitaliste ou d’une phénoménologie du vécu).C’est dans les travaux biopolitiques que la stratégie foucaldienne (contourner l’homme en passant par la vie) se déploie le plus clairement : l’homme y apparaît, en effet, non point en tant que fondement (comme dans les théories contractualistes, qui partent d’une certaine anthropologie afin d’en déduire une certaine politique), mais comme effet et enjeu d’un pouvoir ayant la vie pour but, objet et modèle.Or un tel déplacement n’implique-t-il pas une promotion de la vie au rang du fondement déserté par l’homme ? C’est, comme nous essayons de le montrer dans la deuxième partie de la thèse, le pas que franchissent, parfois, ces deux lectures en apparence antagoniques de l’œuvre foucaldienne que sont les interprétations d’orientation « naturaliste » d’une part (qui insistent surtout sur la « biologisation » de la politique moderne mise en lumière par Foucault) et, de l’autre, les lectures d’inspiration « vitaliste » (qui, à l’instar du commentaire deleuzien, invoquent plutôt l’idée d’une résistance possible aux biopouvoirs qui prendrait appui sur la puissance propre à cette même vie que le pouvoir cherche à investir).C’est dans les travaux archéologiques de Foucault que ces deux lectures de la biopolitique foucaldienne nous semblent trouver leur réfutation la plus flagrante, d’où le fait que la troisième section de notre travail leur soit entièrement consacrée. Foucault y établit en effet l’historicité foncière de cette vie biologique à laquelle seront ordonnés les dispositifs modernes de pouvoir. Par ailleurs, il prend bien soin de mettre en lumière ce qui compromet la prétendue positivité de ces savoirs sur la vie que sont la biologie et la médecine clinique. Il montre enfin à quel point la notion moderne – aussi bien biologique que métaphysique – de vie constitue le revers de la figure moderne de l’homme, de ses détermination empiriques mais aussi de ses prérogatives transcendantales. D’où, sans doute, le fait que son premier effort pour penser une issue possible au « cercle anthropologique » – centré autour de l’expérience littéraire – repose, non sur une revendication des puissances de la vie, mais sur une conceptualisation ontologique de la mort et de sa paradoxale fécondité.Il n’en reste pas moins qu’entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, Foucault articulera bien une pensée de la résistance aux biopouvoirs avec une certaine problématisation de la vie. Or – décalage essentiel – il reconceptualisera aussitôt celle-ci à partir de la notion grecque de bios. L’hypothèse qui structure la quatrième partie de notre travail est alors que l’introduction du concept de bios répond au défi de redonner une certaine initiative à la vie (i.e., d’introduire une certaine distance entre celle-ci et la figure moderne, entièrement objectivée, naturalisée, médicalisée de l’homme normal), sans pour autant restaurer le sujet métaphysique ou phénoménologique, dont Foucault aura mené la critique dès le début des années 1960, ni basculer dans une métaphysique vitaliste – dont il aura montré qu’elle ne constitue que le revers de la figure moderne de l’homme.