Thèse soutenue

Le passage en actes : Du malade mental à la personne liminaire : Anthropologie des associations d’usagers de la psychiatrie

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Auteur / Autrice : Aurélien Troisoeufs
Direction : Anne M. Lovell
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ethnologie
Date : Soutenance le 30/11/2012
Etablissement(s) : Paris 5
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Jury : Président / Présidente : Alain Ehrenberg
Examinateurs / Examinatrices : Anne M. Lovell, Alain Ehrenberg, Alice Desclaux, Marcel Calvez, Jean Naudin, Ilario Rossi
Rapporteur / Rapporteuse : Alice Desclaux, Marcel Calvez

Résumé

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Mettre la maladie entre parenthèses pour faire et être comme tout le monde » représente l’un des objectifs que se sont fixées de nouvelles associations d’usagers dans le paysage psychiatrique français, les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM). Le projet des GEM s’inscrit dans un mouvement d’associations d’usagers de la psychiatrie qui a commencé à se développer dans les années 1970, et qui est encore aujourd’hui peu connu du grand public, des professionnels de la santé et des sciences sociales. En cherchant à décrire comment se déroulait, en pratique, une telle association, il est apparu pertinent de s’interroger sur ce que pouvait signifier « ignorer la maladie » dans ces conditions. Cette « mise entre parenthèses » a été pensée, par les équipes à l’initiative du projet des GEM, comme un moyen, pour les participants, de ne plus se considérer et être considérés comme des malades.L’anthropologie s’est souvent centrée sur la question du travail – par le rite, la socialisation, l’incorporation ou par d’autres formes d’interactions - qui transforme un individu empirique en un certain type de personne. Quelques études d’anthropologie psychiatrique suggèrent que les individus faisant l’expérience de troubles psychiques ne sont pas considérés, dans une société donnée, comme des personnes « complètes », « normales », comme les autres. Notre recherche, s’inscrivant dans une perspective d’anthropologie de la personne, vise à comprendre par quelles formes de sociabilités, d’activités organisées et d’autres pratiques, quelqu’un, qui est défini au départ comme souffrant de troubles psychiques, peut arriver à « faire et être comme tout le monde ». Cet enjeu est traduit, par les acteurs associatifs, comme une volonté de faire du GEM un« passage» par lequel les usagers transiteraient pour réaliser cette transformation en personne dite « normale ». Les ethnographies « classiques » sur les rites d’initiation, de religion ou encore de commensalité, comme les recherches contemporaines sur l’expérience de la maladie ou du handicap, ont apporté des réflexions sur la liminarité, la performativité et le mimétisme qui permettent de comprendre comment se fait un passage. La recherche repose sur un travail d’observation réalisé dans 4 GEM et 4 structures apparentées de la région Ile-de-France et une enquête quantitative qui a permis de contextualiser l’ensemble des GEM de cette région.Sur la base du scénario idéal-typique du « passage », inspiré de l’ethnologie « classique » des rites, nous pouvons constater que le GEM est mis en pratique comme un espace-temps liminaire, au cours duquel un type de personne est produit comme étant à l’intermédiaire du « malade » et du « normal ». En considérant la liminarité comme le produit d’interactions situées, il est alors possible d’envisager cette situation associative comme étant aussi bien subie que construite par les usagers de la psychiatrie, amenant ainsi à reconsidérer les approches classiques du rite de passage et de la personne. Notre recherche conduit ainsi à appréhender la liminarité comme étant un élément à part entière de la personne, permettant ainsi de sortir de la dichotomie entre normalité et anormalité.