Conscience et attestation : le rôle méthodologique de « l’appel de la conscience » (Gewissensruf) dans Être et temps de Heidegger
Auteur / Autrice : | Gregor Bartolomeus Kasowski |
Direction : | Jean-François Courtine, Jean Grondin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Soutenance le 19/06/2012 |
Etablissement(s) : | Paris 4 en cotutelle avec Université de Montréal (1878-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Concepts et langages (Paris ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Métaphysique : histoires, transformations, actualité (Paris ; 2002-....) |
Jury : | Président / Présidente : Jean-Claude Gens |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-François Courtine, Jean Grondin, Claude Piché, David Carr |
Mots clés
Résumé
Cette étude vise à exposer le rôle méthodologique que Martin Heidegger attribue àla conscience (Gewissen) dans Être et temps et à faire ressortir les implications de soninterprétation de « l’appel de la conscience » comme le moyen de produire l’attestation(Bezeugung) de l’existence authentique en tant que possibilité du Dasein (ou être-dans-le-monde). Notre objectif initial est de montrer comment la notion heideggérienne deconscience a évolué avant la publication d’Être et temps en 1927 et d’identifier les sourcesqui ont contribué à l’interprétation existentiale de la conscience comme « l’appel dusouci. » Notre analyse historique révèle notamment que Heidegger n’a jamais décrit laconscience comme un « appel » avant sa lecture du livre Das Gewissen (1925) par HendrikG. Stoker, un jeune philosophe sud-africain qui a étudié à Cologne sous la direction de MaxScheler. Nous démontrons plus spécifiquement comment l’étude phénoménologique deStoker—qui décrit la conscience comme « l’appel du devoir (Pflichtruf) » provenant del’étincelle divine (synteresis) placée dans l’âme de chaque personne par Dieu—a influencél’élaboration du concept de « l’appel existentiel » chez Heidegger. Mettant l’accent sur lerôle méthodologique de la conscience dans Être et temps, nous soulignons aussil’importance des liens entre son concept de la conscience et la notion de « l’indicationformelle » que Heidegger a mise au coeur de sa « méthode » dans ses cours sur laphénoménologie à Freiburg et Marbourg. Alors que de nombreux commentateurs voientdans « l’appel de la conscience » une notion solipsiste qui demeure impossible en tantqu’expérience, nous proposons un moyen de lever cette difficulté apparente en tentant defaire ressortir ce qui est « indiqué formellement » par la notion même de la conscience(Gewissen) dans Être et temps. Cette approche nous permet d’affirmer que le concept deconscience chez Heidegger renvoie à un phénomène de « témoignage » qui estradicalement différent de la notion traditionnelle de conscientia. Guidé par les principes mêmes de la phénoménologie heideggérienne, nous procédons à une analyse« destructrice » de l’histoire du mot allemand Gewissen qui nous révèle que la significationoriginelle de ce mot (établie dans le plus ancien livre préservé dans la langue allemande : leCodex Abrogans) était testimonium et non conscientia. À l’origine, Gewissen signifiait eneffet « attestation »—ce qui est précisément le rôle assigné à la conscience par Heideggerdans Être et temps. Sur la base de cette découverte, nous proposons une manière decomprendre cette « attestation » comme une expérience possible : l’écoute du « témoignagesilencieux » du martyr qui permet à Dasein de reconnaître sa propre possibilitéd’authenticité.