Thèse soutenue

De l'événement à l'histoire. Récits et images d'actualité de la victoire de Lépante en Toscane sous le règne de Côme Ier de Médicis

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Auteur / Autrice : Charlotte Ostrovsky-Richard
Direction : Corinne Lucas-FioratoJean-Louis Fournel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études italiennes et romanes
Date : Soutenance le 01/12/2012
Etablissement(s) : Paris 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Europe latine et Amérique latine (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Les Cultures de l'Europe méditerranéenne occidentale (Paris)
Jury : Président / Présidente : Anna Fontes-Baratto
Examinateurs / Examinatrices : Corinne Lucas-Fiorato, Jean-Louis Fournel, Anna Fontes-Baratto, Juan Carlos D'Amico, Franco Angiolini, Carlo Vecce

Résumé

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Cette étude se propose d’étudier la réception de la nouvelle de la victoire de Lépante dans le grand-duché de Toscane sous le règne de Côme Ier et la transformation de l’événement d’actualité en objet historique, inscrit dans l’historiographie officielle médicéenne. La participation de la flotte toscane à la Sainte Ligue de Lépante en 1571 s’inscrit dans un contexte particulier de crise diplomatique avec le roi d’Espagne Philippe II de Habsbourg, dont la Toscane est un État vassal et dont l’autorité est de plus en plus contestée par les Médicis. Côme Ier de Médicis a vu aboutir les projets de son ambitieuse politique navale en 1560 avec la création de l’Ordre militaire marin de Santo Stefano, de sa politique dynastique en 1569 avec l’obtention, par le pape Pie V, du titre héréditaire grand-ducal, accompagné d’un contrat de collaboration militaire pour l’Ordre. La présence de la Toscane, sous la bannière pontificale, dans une coalition aussi prestigieuse que la Sainte Ligue, qui réunit Venise, l’Espagne et le pape, devrait constituer une occasion privilégiée de renforcer le discours de légitimation du principat médicéen. En effet, la victoire de Lépante constitue un événement au sens traditionnel du terme, c’est-à-dire un fait politico-militaire inattendu, éclatant, dont les représentations d’actualité cristallisent les enjeux diplomatiques du moment et dont les célébrations permettent de mettre en scène le pouvoir : plus que l’antagonisme, c’est la qualité de l’alliance qu’on lui oppose qui fait sens dans les récits et les images de Lépante. Pourtant, en Toscane, on n’assiste pas à une production aussi riche, féconde, variée et durable qu’ailleurs en Italie, notamment à Venise ou à Rome. Fidèle à sa tendance de fond qui préfère aux revendications ouvertes la discrétion et la prudence, le discours médicéen raconte une victoire de Lépante ambigüe, nuancée, comme une voix discordante au cœur du concert de célébrations qui suivent l’événement, dépassant le simple clivage des catégories de victoire et de défaite. Les représentations toscanes puisent leur matière même dans les correspondances militaires et diplomatiques des acteurs de la bataille : ils écrivent juste après l’avènement des faits, observent avec lucidité les graves disfonctionnements au sein de la Sainte Ligue, rendent compte de leur expérience concrète de la guerre et des lourdes pertes subies par l’Ordre au cours des combats. La nouvelle et les détails de la victoire se diffusent très largement grâce à une nouvelle forme éditoriale, les avvisi a stampa, des publications occasionnelles qui racontent et célèbrent la victoire. Celles qui sont publiées en Toscane révèlent des choix éditoriaux particuliers : l’imprimerie officielle grand-ducale semble vouloir ménager les susceptibilités en diffusant des versions canoniques pontificales ou espagnoles du déroulement des événements, qui ignorent la participation toscane, tandis que des récits plus favorables aux Toscans sont publiés par des typographes d’importance secondaire. Dans un troisième temps, l’événement s’inscrit dans l’historiographie officielle du régime grand-ducal ; la bataille de Lépante est traitée comme une « semi-victoire » dans un chapitre de l’Istoria de’ suoi tempi de Giovambattista Adriani, l’histoire officielle du règne de Côme ; en revanche, elle fait l’objet d’une célébration triomphale dans un cycle de fresques de Giorgio Vasari réalisé dans la Sala Regia du palais apostolique du Vatican. En effet, Côme renonce à faire représenter la victoire de Lépante à Florence, au Palazzo Vecchio, comme nombre de ses hauts faits militaires, pour envoyer l’artiste officiel de l’État opérer au service du pape, comme ambassadeur du prestige culturel de Florence : pour servir l’État , les arts seraient, en somme, bien plus efficaces que les armes.