Phylogéographie, taxonomie et évolution morphologique de troix complexes d'espèces de musaraignes du genre Crocidura (Mammalia, Soricomorpha) en Afrique subsaharienne
Auteur / Autrice : | François Jacquet |
Direction : | Christiane Denys |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la nature et de l'homme. Systématique évolutive |
Date : | Soutenance en 2012 |
Etablissement(s) : | Paris, Muséum national d'histoire naturelle |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....) |
Jury : | Président / Présidente : Louis Deharveng |
Examinateurs / Examinatrices : Rainer Hutterer, Violaine Nicolas | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Steven M. Goodman, Josef Bryja |
Mots clés
Résumé
Les objectifs de cette thèse étaient : de tester l’efficacité du code-barres moléculaire COI comme outil taxonomique chez les musaraignes d’Afrique subsaharienne ; de résoudre certains problèmes taxonomiques dans le genre Crocidura Wagler, 1832, grâce à une démarche intégrative ; de retracer l’histoire évolutive chez trois complexes de ce genre à la lumière des événements climatiques du Plio-Pléistocène ; de dégager certaines grandes tendances évolutives de taille et de conformation chez les musaraignes. Afin de répondre à ces questions, nous avons utilisé des données moléculaires (trois marqueurs mitochondriaux et quatre marqueurs nucléaires) et des données morphologiques (caractères externes), morphométriques (mesures externes) et de géométrie morphométrique (points repères 2D sur la face palatale du crâne). Une étude menée sur les musaraignes vivant en sympatrie sur le Mont Nimba (Guinée) nous a montré que le code-barres moléculaire COI pouvait être considéré comme un outil taxonomique efficace. Le marqueur cytb a montré une efficacité semblable. L’exploration moléculaire des trois complexes d’espèces C. Obscurior, C. Olivieri et C. Poensis a révélé l’existence d’une diversité cryptique importante. La réalisation d’analyses de géométrie morphométrique sur les crânes nous a permis d’inclure les spécimens types. Grâce à cette démarche intégrative, de nouvelles propositions taxonomiques ont été faites. Une étude biogéographique comparative nous a montré que l’histoire évolutive des taxons forestiers C. Obscurior, C. Goliath, C. Poensis, C. Buettikoferi et C. Grandiceps avait été fortement influencée par les oscillations climatiques du Plio-Pléistocène (depuis 3,5 Ma) et était congruente avec la théorie des refuges forestiers. L’isolement de populations dans des îlots forestiers durant les phases arides a été un moteur de spéciation allopatrique et de diversité intraspécifique. Nos résultats ont également confirmé le rôle des rivières en Afrique subsaharienne comme moteur de diversification. La théorie des gradients environnementaux nous a également permis de comprendre la diversification au sein des complexes C. Olivieri et C. Poensis. Des événements de spéciation se sont produits dans les zones d’écotone, en particulier à la limite entre forêt et savane et entre forêt de montagne et de plaine. Là encore, les oscillations climatiques du Plio-Pléistocène ont joué un rôle important en entraînant un déplacement des limites écorégionales et favorisant ainsi un déplacement de niche écologique. Nos données nous ont permis de comprendre l’histoire évolutive de C. Olivieri, espèce originale au sein du genre Crocidura en raison de sa large distribution et de sa tolérance à une grande variété d’habitats. Cette espèce issue d’une population ancestrale habitant les forêts du bassin du Congo se serait adaptée à un large éventail d’habitats et se serait ainsi étendue à une grande partie du continent africain. Les analyses morphométriques nous ont permis de comprendre certaines tendances évolutives de taille et de forme chez les musaraignes. Un maintien d’une taille miniature est observé chez le complexe C. Obscurior. Au contraire, une convergence évolutive vers une taille géante est observée chez C. Goliath et C. Nimbasilvanus, respectivement en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Ces patrons d’évolution pourraient s’expliquer par une compétition interspécifique importante dans les forêts d’Afrique tropicale. L’acquisition de ces tailles extrêmes permettrait un accès à des ressources alimentaires différentes au sein d’une niche écologique très peuplée. Malgré des variations de taille importantes chez C. Goliath, accompagnées de modifications allométriques de la boîte crânienne, la rangée dentaire montre une grande stabilité. Cette tendance pourrait s’expliquer par les contraintes évolutives associées au mode alimentaire des musaraignes.