Aragon, romancier penseur de l'Histoire
Auteur / Autrice : | Marie-France Boireau |
Direction : | Reynald Lahanque |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langues, Littératures et Civilisations |
Date : | Soutenance le 21/09/2012 |
Etablissement(s) : | Université de Lorraine |
Ecole(s) doctorale(s) : | LTS - Ecole doctorale Langages, Temps, Sociétés |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre Jean Mourot - Textes, genres, milieux - EA 3962 |
Jury : | Président / Présidente : Philippe Forest |
Examinateurs / Examinatrices : Gilles Ernst, Jean Garrigues |
Résumé
L'objectif de cette thèse est l'étude de la façon dont Aragon, en tant que romancier, pense l'Histoire. Le corpus examiné comprend les quatre premiers romans du Monde réel, Les Cloches de Bâle, Les Beaux Quartiers, Les Voyageurs de l'impériale, Aurélien. Le propos est de démontrer que les romans, en raison de la poétique même du genre romanesque, proposent une pensée de l'Histoire plus complexe que celle qui s'exprime dans les discours du militant communiste Louis Aragon. Le romancier lui-même incite à cette recherche en affirmant que « le roman dit pas seulement ce qu'il dit mais autre chose encore, au-delà ». Ont successivement été abordées les problématiques suivantes : comment est pensé l'événement, comment est pensée l'Histoire non événementielle, comment penser l'Histoire a pour visée l'action politique, enfin comment Aragon conçoit l'écriture de l'Histoire. L'événement fondamental que le romancier aborde est la Grande Guerre dont les causes sont examinées non pas d'abord à partir de l'affrontement de nationalismes exacerbés mais à partir des conflits d'intérêt entre la France et l'Allemagne, notamment dans les empires coloniaux, Aragon mettant en lumière le dessous des cartes, les enjeux financiers de la guerre et procédant à une démystification de l'idéologie coloniale. L'histoire non événementielle qui concerne la « guerre sociale », les cadres psychologiques et sociaux, est questionnée à partir des personnages romanesques tandis que l'examen des itinéraires de ces personnages, l'étude de leur relation à l'Histoire, permettent au romancier de méditer sur les possibilités de l'action : elles sont incontestables, mais ne sauraient faire oublier le poids de l'Histoire qui prend souvent le visage de la tragédie, notamment dans les deux derniers romans étudiés. Cela signifie que la pensée aragonienne de l'Histoire évolue entre 1934 et 1944, que l'horizon s'assombrit, même si le romancier refuse de considérer la guerre comme une fatalité. Cette pensée de l'Histoire passe par l'élaboration d'une écriture romanesque pratiquant volontiers l'analogie, jouant de la métalepse, ne renonçant pas au langage poétique. Lors de cette aventure de l'écriture, Aragon fait l'expérience de sa pensée, une pensée caractérisée par de multiples tensions qui empêchent de considérer les romans comme simplement des oeuvres à thèse, qui permettent d'explorer « l'au-delà » du roman.