Thèse soutenue

"Poésie et traduction poétique en Italie pendant les années 30 et 40 du XXè siècle"

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Auteur / Autrice : Emanuela Nanni
Direction : Christophe Mileschi
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langues étrangères appliquées
Date : Soutenance le 10/12/2012
Etablissement(s) : Grenoble
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Groupe d'études et de recherches sur la culture italienne (Grenoble ; 1991-2015)
Jury : Président / Présidente : Serge Stolf
Examinateurs / Examinatrices : Oreste Sacchelli, Chiara Elefante
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-José Tramuta

Résumé

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Ce travail de thèse s'articule autour d'une définition historique qui a été formulée par Cesare Pavese, lorsqu'il a défini les années 30 et 40 du XXe siècle comme les deux décennies de la traduction par excellence. Si les études menées jusqu'à aujourd'hui se sont penchées de manière approfondie presque seulement sur la traduction des romans et cela en choisissant comme langue source privilégiée l'anglais ou le français, nous avons concentré notre analyse sur la traduction, l'écriture et la critique poétiques réalisées dans la période s'étalant de l'entre-deux-guerres jusqu'à la fin des années 40. La poésie était en effet le lieu critique, traductif et créatif le plus fréquenté. Un véritable besoin de poésie animait les cénacles des intellectuels italiens à Florence comme à Milan, à Parme, à Rome et également à Turin. Les échanges entre les artistes, critiques, poètes et traducteurs se jouaient pour la plupart sur le terrain de la poésie, sans être, au moins jusqu'au milieu des années 30, particulièrement entravés par la censure fasciste. En effet l'Italie devait, même aux yeux du fascisme, connaître un Baudelaire, un Rimbaud et un Eliot parlant italien. La poésie prenait une place sans précédents dans la vie culturelle et littéraire de l'époque et devint aussi un champ d'action concret : écrire en vers bouleverse autant l'ordre syntactique de la langue que l'habitude à concevoir la réalité de manière univoque et sans opacités.La poésie, pour reprendre une pensée d'Henri Meschonnic, est « contre le maintien de l'ordre », et se propose comme une forme d'engagement profond qui implique les consciences et leur prise de position face à la réalité. Dans une perspective plus large, le discours poétique s'entrelace avec le discours politique, si par politique on présuppose tout effort visant à garantir le bien-être de l'homme et la création des conditions qui permettent la réalisation au degré le plus haut de la liberté de tout individu.L'objet d'intérêt de la traduction poétique fusionne inévitablement avec la poésie tout court, ne serait-ce que parce que toute poésie est en tout cas toujours une traduction. Faire et construire en poésie sont devenus ainsi les axes de cette étude qui essaye de rendre compte constamment des voix de plusieurs personnalités qui étaient à la fois poètes, traducteurs et critiques littéraires. La partie finale de ce travail se concentre ainsi sur la naissance d'un nouveau type d'intellectuel qui est poète, traducteur et critique, et qui, très souvent, est aussi un éditeur. Sa participation à la vie sociale, politique et éditoriale du pays devient de plus en plus significative et fera de la poésie le sujet de plusieurs collections éditoriales et de nombreuses autres publications.Nous avons essayé de montrer quel type d'engagement peut émaner de l'écriture des poèmes et de la pratique de la traduction poétique, en décrivant quel militantisme profond et passionné peut surgir de la 'fréquentation' de la poésie, qui se propose comme une constellation de sens constamment “constructible”, comme une présence jamais définitive. Cette mise en valeur de l'inachevé contribue à la mise en question de l'identité du sujet et à la poursuite de son salut, à la multiplication des hypothèses, et à l'ouverture des horizons. En se proposant avec son corps mouvant et émouvant, la poésie sera, pendant le fascisme, un levier d'indisciplinarité face à la règle, s'imposant comme un insoupçonnable instrument de contestation et de résistance.