Thèse soutenue

L'opéra mental : formes et enjeux de l'écriture du spectacle chez Jean-Jacques Rousseau

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Auteur / Autrice : Amélie Tissoires
Direction : Jean-François Perrin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature française et francophone
Date : Soutenance le 12/05/2012
Etablissement(s) : Grenoble
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Littérature, idéologies, représentations aux XVIIIe et XIXe siècles (Lyon ; 1995-2015)
Jury : Président / Présidente : Claude Habib
Examinateurs / Examinatrices : Jacques Berchtold
Rapporteur / Rapporteuse : Michael O'Dea, Antony McKenna

Résumé

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La réflexion de Rousseau concernant le spectacle (théâtral, musical, pictural) s'élabore au cours de nombreux textes théoriques qui interrogent le statut du spectateur et sa relation à ce qui est vu et entendu. Cette relation est source de nombreuses interrogations pour l'écrivain qui réfléchit à ce que l'on pourrait appeler une « économie de la distance », afin d'ajuster au mieux son regard face à l'objet mis en scène et de régler l'émotion induite par le dispositif « spectaculaire ». Cette réflexion sur le spectacle permet également de s'intéresser à la pensée de l'origine chez Rousseau car il semble que ce soit à partir de sa conception de la nature que la notion de spectacle et les émotions qu'elle suscite, s'élaborent. La qualité de l'émotion est particulièrement travaillée par Rousseau qui distingue le spectacle visuel du spectacle auditif. À la fascination de l'image créée par le dispositif théâtral s'oppose le sentiment musical, source d'une communication idéale entre le musicien et l'auditeur, et créateur d'un spectacle mental. L'importance du spectacle musical est telle que l'écriture de Rousseau ne se conçoit pas sans une constante référence à ses caractéristiques, l'écrivain devenant alors un auditeur de musique subjugué par les sentiments qu'il éprouve. Cette réflexion sur les spectacles trouve une chambre d'écho dans les œuvres narratives de Rousseau qui mettent en application les caractéristiques dégagées par la théorie. Influencé par l'esthétique du tableau théâtral telle qu'elle a été conceptualisée par Diderot à propos du drame bourgeois, Rousseau tempère sa suspicion à l'égard de l'image théâtrale, qui trouve, selon lui, sa meilleure voie d'expression dans La Nouvelle Héloïse. Ce roman, de fait, dépasse à certains endroits la linéarité de l'écriture pour proposer des tableaux, transformant ainsi le lecteur en spectateur d'un drame bourgeois, mais pas seulement : en effet, la mise en image de la narration puise également à des sources picturales (avec notamment la réflexion sur les Sujets d'estampes) et offre une réflexion sur le regard que la plupart des personnages prennent en charge. Mais c'est surtout en s'inspirant de ses propres conceptions musicales que Rousseau est conduit à trouver de nouvelles formes d'écriture qui renouvellent la relation au lecteur. Enfin, les œuvres autobiographiques proposent une mise en scène musicale de soi. Le compositeur devient alors un des modèles de l'écrivain parce qu'il donne à lire le « je » comme une partition instrumentale. En même temps, la structure du spectacle visuel est réinterrogée par Rousseau dont l'écriture épouse le modèle musical. C'est en dernier lieu le copiste qui, dans les œuvres autobiographiques, propose un modèle d'écriture, celui de la « chambre obscure » où le spectacle de soi se transforme en signe musical.