Thèse soutenue

La protection pénale de l'enfant au prisme de l'administration coloniale depuis la rencontre des droits occidentaux et des droits traditionnels en Afrique occidentale, spécialement au Togo : de 1922 à nos jours
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Auteur / Autrice : Marwanga Dourma
Direction : Yves JeanclosAkuété Pedro Santos
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Dimension historique du droit pénal
Date : Soutenance en 2011
Etablissement(s) : Strasbourg

Résumé

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L’enfant négro-africain vit dans un milieu où se côtoient, et s’affrontent parfois, traditions et modernité. Ce côtoiement qui frôle parfois à un affrontement s’observe au niveau des actes de la vie quotidienne et au niveau de la vie juridique. Il s’agit donc d’une coexistence à deux niveaux essentiels à savoir le niveau sociologique et le niveau juridique. Ce phénomène a pour point de départ la colonisation de l’Afrique. En effet la colonisation du 19e siècle a introduit sur le continent plusieurs éléments inhabituels qui ont bouleversé le mode de vie des Africains. Elle a ainsi introduit le droit européen au sein de populations qui se régulaient uniquement par leurs droits traditionnels issus de leurs coutumes. Ce nouveau droit européen appelé aujourd’hui droit moderne a de tout temps visé à surclasser les droits préexistants. Ce processus de « judiciarisation à l’européenne » de la vie des sociétés africaines à travers l’unique prisme des principes coloniaux, soutenu par les droits international et régional a provoqué un conflit de normes qui pose un problème non seulement pour l’Africain lui-même, mais également pour son enfant dont la protection pénale suscite des questionnements. A travers le cas particulier du Togo qui a connu deux civilisations juridiques étrangères, avec la colonisation allemande et ensuite avec la colonisation française, la présente thèse analyse la problématique de la protection pénale de l’enfant en Afrique noire. En partant de l’Afrique précoloniale, cette analyse chevauche trois périodes successives pour se projeter dans un proche avenir. Il s’agit donc d’analyser la protection pénale de l’enfant dans son milieu traditionnel. Il s’agit ensuite de questionner l’introduction coloniale pour comprendre son organisation sur le plan administratif car cette organisation a non seulement bouleversé le milieu traditionnel protecteur de l’enfant, mais elle a aussi organisé le droit pénal appelé à protéger l’enfant noir africain. Il s’agit aussi d’analyser les réponses proposées par les politiques contemporaines de protection. Il s’agit enfin de partir du constat que de millions d’enfants africains voient encore leurs droits les plus élémentaires bafoués de manière, semble-t-il, impunie, et de se demander ce que valent les réponses juridiques internationales onusiennes et régionales africaines au problème de la protection pénale de l’enfant. L’analyse se porte donc sur trois périodes essentielles. La période précoloniale au cours de laquelle l’enfant, considéré comme l’organe centrale de la société, fait l’objet d’attention et de préoccupation de chaque membre de sa communauté est caractérisée par l’exclusivité du droit issu des coutumes traditionnelles. Cette position centrale de l’enfant résulte du fait qu’il est de part son statut proche des divinités et des ancêtres. De ce fait, nul ne peut lui porter atteinte sans porter préjudice aux divinités et aux ancêtres de la communauté, et sans susciter leur colère qui peut s’abattre sur l’ensemble de la communauté du fautif. Par conséquent, en veillant sur la sécurité de l’enfant, c’est sur sa propre sécurité que veille la communauté, mais aussi sur sa prospérité économique, car l’enfant représente la capacité économique de sa communauté. La période coloniale est caractérisée par la remise en question de l’organisation traditionnelle du droit pénale de la protection de l’enfant. La colonisation de part ses principes et son organisation administrative s’est imposée comme l’unique prisme à travers lequel doit s’analyser toute solution sociologique et juridique en Afrique, malgré les « contre-valeurs » que les Africains lui reprochent d’avoir introduit dans leur société. Non seulement ses méthodes d’implantation ont provoqué des résistances, mais sa propension à ne pas considérer les principes organisationnels des sociétés africaines l’a transformée en un problème au lieu qu’elle soit une des solutions pour l’ « évolution » des sociétés africaines. Par conséquent, le droit pénal proposé par la colonisation pour protéger l’enfant n’a jamais eu l’adhésion de la grande majorité des populations africaines. La période contemporaine, c’est-à-dire la période postcoloniale, n’a guère amélioré la situation juridique réelle de l’enfant africain. L’entêtement des gouvernements africains à construire des droits dans la continuation des droits coloniaux rend inefficace le droit pénal. L’intervention des droits international et régional, à travers la Convention pour les droits de l’enfant et ses protocoles additionnels, et la Charte africaine pour les droits et le bien-être de l’enfant reste sans réel impact. Ces droits qui ne parviennent pas à construire un droit universel à « multiple visages » intégrant la spécificité africaine semblent vouée à un résultat à minima parce qu’ils n’arrivent pas à conquérir ni l’esprit ni le cœur des africains qui restent attachés à leurs traditions sur le plan factuel, mais aussi sur le plan juridique. Fort heureusement, le Togo à l’instar des autres pays de l’Afrique noire, semble avoir compris qu’il est nécessaire de rapprocher le droit des peuples. Il s’engage depuis quelques années, dans une construction d’un droit pénal plus dynamique pour la protection de l’enfant. Ce rapprochement du droit auprès du peuple se fait par des campagnes de sensibilisation et par l’implication de la société civile par le biais des Organisations non gouvernementales et des associations. Cependant, il faut insister au vu des résultats encore moindre, sur le fait que ce processus ne prendra son plein effet qu’en intégrant de manière considérable les réalités propres à l’Afrique.