Thèse soutenue

Endémisme et diversification en Nouvelle-Calédonie : mise en place et tests d'hypothèses chez des insectes orthoptères et dictyoptères

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Auteur / Autrice : Romain Nattier
Direction : Philippe GrandcolasTony RobillardHervé Jourdan
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la nature et de l'homme. Biologie des organismes
Date : Soutenance en 2011
Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....)
Partenaire(s) de recherche : Autre partenaire : Université de la Nouvelle-Calédonie (1999-....)
Jury : Président / Présidente : Simon Tillier
Examinateurs / Examinatrices : Porter P. Lowry, Martine Hossaert-McKey
Rapporteur / Rapporteuse : Finn Kjellberg, Jean-François Silvain

Résumé

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De par sa position géographique isolée dans le Pacifique Sud, son histoire géologique riche et complexe et son peuplement caractérisé par des taux d’endémisme exceptionnels, la Nouvelle-Calédonie est une île océanique présentant des dispositions uniques pour étudier l’origine de l’endémisme et la diversification biologique. L’objectif de cette thèse est d’étudier l’origine des peuplements néocalédoniens et de l’endémisme local (microendémisme), dans une approche synthétique du point de vue de l’échelle géographique et méthodologique. L’étude a été menée chez trois groupes d’insectes modèles, correspondant à trois genres endémiques de Nouvelle-Calédonie, choisis pour la complémentarité de leur caractéristiques écologiques, d’habitats et de capacités de dispersions, ainsi que pour leur cohérence phylogénétique : les blattes Lauraesilpha, les grillons Agnotecous et les acridiens Caledonula. Leur étude a permis d’appréhender le microendémisme à toutes les étapes qui permettent de le caractériser, depuis l’étude de la colonisation de l’archipel par les groupes à l’origine des clades endémiques, puis l’étude des modes de spéciation et des facteurs expliquant la diversification locale des clades endémiques en Nouvelle-Calédonie, et pour finir l’analyse d’un exemple de spéciation récente à travers une étude de génétique des populations. La colonisation et de la mise en place du microendémisme a été analysée à travers une étude phylogéographique régionale des grillons Eneopterinae. La phylogénie a été reconstruite à partir de 43 espèces représentant toutes les tribus de la sous famille et 15 des 17 genres connus, et en se focalisant sur les taxons distribués dans le Pacifique Sud et aux environs de la Nouvelle-Calédonie. Quatre gènes (12S, 16S, 18S et Cytb) ont été analysés à partir de méthodes de parcimonie et bayésienne, et les dates de divergences ont été estimées en utilisant une horloge moléculaire assouplie et plusieurs points de calibration. Des tests conservatifs ont mis en évidence que la colonisation par ce clade s’est faite au maximum il y a 16 Ma, par dispersion à partir d’un groupe Indo-Malaisien, soit bien après l’émersion de l’île estimée à environ 37 Ma par les données géologiques. De plus, l’hypothèse ad hoc d’îles refuges aujourd’hui disparues permettant d’expliquer la persistance de la faune malgré la submersion de la Nouvelle-Calédonie (hypothèse de « island hopping »), avancée par certains auteurs afin de conserver un modèle de muséum de diversité, a ainsi été réfutée, et l’origine du genre Agnotecous, endémique à la Grande Terre est datée d’environ 10 Ma. Dans un second temps, l’hypothèse d’une origine allopatrique du microendémisme néocalédonien a été testée par une étude phylogénétique et géographique du mode de spéciation chez les grillons Agnotecous. Quinze des 19 espèces du genre ont été séquencées pour plusieurs gènes mitochondriaux (12S, 16S, Cytb, CO1, CO2) et nucléaires (28S, EF1a, HexK, H3, 18S), en incluant plusieurs populations par espèce. La phylogénie a été reconstruite par des méthodes de parcimonie et bayésienne, et les dates de divergences ont été estimées en utilisant une horloge moléculaire assouplie et les points de calibration obtenus par l’étude précédente portant sur les Eneopterinae. L’estimation du mode de spéciation a été réalisée en utilisant la méthode ARC à partir de nombreuses localités. Malgré des patrons complexes de sympatrie impliquant plusieurs espèces dans chaque site, l’origine allopatrique de la spéciation chez Agnotecous a été retenue, et les sympatries observées sont donc d’origine secondaire. Dans un troisième temps, l’influence des différents facteurs sur la diversification des trois modèles microendémiques a été testée. Des tests portant sur les taux de diversification ont été conduits, et une concomitance entre les principaux changements de diversification et les variations climatiques récentes a pu être mise en évidence. Les facteurs climatiques, couplés à une influence indirecte de la nature des sols semblent ainsi être à l’origine du microendémisme chez Agnotecous. Une étude phylogénétique des acridiens Caledonula à partir de plusieurs gènes mitochondriaux (Cytb, CO1, CO2) et nucléaires (28S, EF1a, H3, 18S, ITS1) a été réalisée, et les principaux noeuds ont pu être datés par l’utilisation d’une horloge moléculaire. Une influence importante du type de sol sur la diversification a pu être mise en évidence chez ces insectes phytophages. La colonisation du genre Caledonula semble s’être faite sur des terrains non ultramafiques dans une période relativement récente (<6 Ma). Dans un premier temps, cette colonisation n’aurait pas abouti à une diversification importante du genre, avec une seule espèce (C. Fuscovittata) connue de plusieurs localités dans la partie sud de l’île. Dans un second temps, la colonisation des sols métallifères du sud de l’île (<2. 4 Ma) a abouti à une diversification et à un endémisme plus important. Enfin, une étude populationnelle du microendémisme néocalédonien a été conduite chez les blattes du genre Lauraesilpha. L’influence des variations climatiques suspectées à l’origine même de la spéciation de ce genre a été testée à partir de 96 individus provenant de deux espèces réparties dans une zone d’environ 25 km². Trois gènes mitochondriaux (CO1, Cytb, 12S) et 18 marqueurs microsatellites ont été utilisés. Les résultats préliminaires montrent que les variations climatiques du Pléistocène expliqueraient une grande partie de la structuration génétique de Lauraesilpha, bien que le timing reste à préciser. Ces résultats montrent également que le microendémisme doit désormais être davantage étudié à l’échelle populationnelle, que ce soit par des outils phylogénétiques ou de génétique des populations. D’un point de vue comparatif, les résultats obtenus chez les différents modèles montrent que la diversité biologique néocalédonienne s’est mise en place après la submersion de l’île, et que l’endémisme s’est structuré plus ou moins fortement, sous l’influence d’un jeu complexe de facteurs différents selon les caractéristiques biologiques de chaque taxon.