Gouverner les pauvres : genèse, pratiques et usages de la conditionnalité comportementale en France et aux Etats-Unis
Auteur / Autrice : | Élisa Chelle |
Direction : | Olivier Ihl, Jacques Commaille |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences politiques |
Date : | Soutenance le 17/11/2011 |
Etablissement(s) : | Grenoble |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires |
Jury : | Président / Présidente : Gilles Pollet |
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Ihl, Jacques Commaille, Michel Borgetto, Francois-xavier Merrien | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Mathiot, John Mallenkopf |
Mots clés
Résumé
Comment gouverne-t-on les pauvres aujourd'hui ? Sur la base d'une enquête comparative et qualitative entre un dispositif français (le Revenu de solidarité active) et un programme new-yorkais (Opportunity NYC), cette thèse propose d'analyser les mécanismes de la lutte contre la pauvreté reposant sur la conditionnalité comportementale. Porter l'indigence à l'agenda, justement par qu'elle est éminemment politique, fait l'objet d'un important travail de dépolitisation. Importation de modèles de l'étranger, construction de données chiffrées, mobilisation d'un protocole expérimental : tels sont les principaux procédés d'objectivation et de légitimation mobilisés. La teneur de l'aide apportée aux pauvres change. Se démarquant d'une logique simplement économique qui voudrait que la récompense monétaire engendre un comportement prédéfini, et desserrant une méthode strictement punitive où la sanction tient lieu de formule de commandement, ces politiques sociales conditionnelles renouvellent les termes des relations entre populations pauvres et pouvoir politique. Les techniques de gouvernement mises en œuvre s'inspirent du « nudge », c'est-à-dire d'une forme paradoxale d'autonomie institutionnalisée où les bons comportements tiennent lieu d'échappatoire à la pauvreté. L'aide sociale comme relevant du droit ou du statut est dépassée. Sa légitimité ne se fonde plus sur l'efficacité, dans la veine du new public management, mais sur un sens commun réformateur ayant le mérite pour objet. Les clivages partisans paraissent s'affaisser autour de cette forme de gouvernement moral. L'éthique du travail et la « bonne volonté » des pauvres sont mises en scène pour justifier l'octroi de subsides sociaux. L'expérimentation sociale, passée au prisme du jeu politique, confère un caractère « scientifique » et « objectif » à ces présupposés. Au final, c'est à un gouvernement de la pauvreté fait de politique et d'usages de la scientificité que ce travail est consacré.