Invasion de Spartina alterniflora en rade de Brest : comportement invasif et impact sur le cycle biogéochimique du silicium
Auteur / Autrice : | Jérémy Querné |
Direction : | Olivier Ragueneau, Nathalie Poupart |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biologie marine |
Date : | Soutenance en 2011 |
Etablissement(s) : | Brest |
Mots clés
Résumé
Ce travail se propose d’évaluer l’impact de la plante invasive Spartina alterniflora sur l’écosystème de la Rade de Brest. Cette espèce, originaire de la côte Est nord-américaine où elle est trouvée dans les marais maritime, a récemment colonisé la Rade de Brest. Les résultats obtenus au cours de ce travail reposent à la fois sur l’écologie, écophysiologie et biogéochimie, ils sont exposés an trois parties. La première partie est dédiée à l’étude de l’écologie de la plante invasive. S. Alterniflora a envahi la Rade de Brest où elle se développe des marais salés jusqu’aux marais tidaux d’eau douce. Le manque de compétiteur lui a même permis de se développer jusqu’en haut du schorre. Il en résulte une homogénéisation de la composition spécifique de la végétation des marais. Afin de mieux comprendre les distributions de S. Alterniflora dans la Rade de Brest, nous avons mesurés les variations des densités, des tailles, et des productions primaires en fonction de l’hydrodynamisme, de la salinité et de la durée de l’immersion. Les productions primaires les plus importantes ont été mesurées chez les plantes soumises à un faible hydrodynamisme, de faibles salinités et des durées d’immersion intermédiaires. La valeur moyenne de la production primaire calculée pour la Rade de Brest est de 1034 g poids sec m-2 an-1. Ce résultat est en accord avec d’autres valeurs estimées pour des spartines dans leurs milieux d'origine et ainsi que dans d’autres sites envahis. La seconde partie porte sur les effets de l’accumulation du silicium chez les plantes sur les mécanismes de résistance aux stress environnementaux. Les phanérogames représentent une composante sous étudiée du cycle du silicium, elles peuvent absorber le silicium sous forme dissoute (dSi) et le stocker sous forme biogénique (bSiO2). Le Si est connu pour sa capacité à réduire l’effet de stress environnementaux de type physique, chimique, et biologique comme les tempêtes, les fortes salinités, la toxicité des métaux lourds, le broutage et certaines maladies. Les objectifs de cette partie étaient de déterminer (1) dans quels organes et quand la bSiO2 est accumulée au cours du cycle de vie de la plante, (2) de savoir si cette accumulation varie en fonction de l’hydrodynamisme, de la salinité, et de la durée de l'immersion, et (3) de savoir si l’accumulation est limitée par la disponibilité en dSi dans les sédiments des marais. Un suivi terrain de 2 ans nous a permis d’échantillonner des plantes dont les contenus en silicium ont été mesurés. Des échantillons de sédiment ont été prélevés à l’échelle saisonnière, et les concentrations en dSi des eaux interstitielles ont été mesurées de O à 10 cm de profondeur. Les résultats permettre de montrer que la bSiO2 s’accumule plus dans les feuilles matures des spartines que dans les autres organes. Nous avons observé une relation linéaire entre les concentrations en bSiO2 et la longueur des plantes. Les concentrations en bSiO2 dans les plantes décroissent avec l’augmentation de l’exposition aux facteurs abiotiques testés. Nous n’avons pas observés de différences entre les disponibilités en dSi de tous les sites étudiés. Les profils de dSi n’ont pas montré de fortes pertes ducs à l’absorption par les racines. Nos résultats suggèrent que la disponibilité en dSi n’est pas un facteur limitant pour l’espèce étudiée. Nous avons montré que chez S. Alteniflora la concentration en bSiO2 n’augmente pas avec l’exposition aux stress, mais à l’inverse qu’elle augmente en corrélation avec la croissance dc la plante. II semble donc que S. Alterniflora a du développer d’autres stratégies pour lutter contre l’effet des stress abiotiques, cependant, cela n’exclut pas le fait que l’accumulation de Si par les plantes peut avoir un effet positif dans la résistance aux stress. Ce travail soulève des questions intéressantes sur les mécanismes d’absorption du Si par les plantes, la disponibilité du Si dans les sédiments et sur son rôle dans la croissance des plantes. La dernière partie de cette thèse est consacrée à l’étude de l’impact de cette plante invasive sur la rétention du silicium dans les marais maritimes. Le silicium (Si) est le second élément le plus important composant la croûte terrestre. Les principaux apports de Si à l’océan proviennent du lessivage des sols cn milieu terrestre et sont véhiculés par les rivières. La silice dissoute (dSi) est bioassimilable par de nombreux organismes aquatiques, marins et terrestres aussi divers que les plantes, les microalgues, les champignons et les bactéries. Les plantes accumulent de la silice biogénique (bSiO2) sous forme de phytolithes qui représentent une part importante des apports fluviaux de Si le long du continuum terre-mer. Le rôle des phanérogames et de leurs phytolithes dans le cycle du Si est encore mal connu. Les activités anthropiques peuvent avoir un impact important sur les apports fluviaux de Si. L’eutrophisation, la construction de barrage et le développement d’espèces invasives peuvent modifier significativement la rétention du Si dans les estuaires. Nous avons étudié les variabilités temporelles et spatiales des profils de dSi et bSiO2 dans les sédiments des marais envahis ou non par la spartine. Nous avons aussi comparé les concentrations annuelles en dSi et bSiO2 des sédiments des marais envahis en fonction de la salinité et de la durée d’immersion. De plus, nous avons réalisé des expériences de dissolution de la bSiO2 dans la litière de spartine et dans les sédiments des marais afin de calculer des constantes de dissolution (kdiss). Dans la seconde partie de cc travail, nous avons utilisé les données obtenues dans la seconde partie de ce travail pour établir des bilans de Si pour des marais envahis et non envahis Nous avons pu observer une tendance saisonnière dans les profils de dSi dont les concentrations augmenteraient du printemps jusqu’à l’automne. Les moyennes annuelles des concentrations en bSiO2 et en dSi dans les sédiments augmentent avec la diminution de la salinité le long du gradient estuarien. A l’inverse, les constantes de dissolution de la bSiO2 augmentent avec la salinité, et la bSiO2 dans la litière de spartine se dissout 5 fois plus vite que celle des sédiments. En comparant les bilans des marais envahis et non envahis, nous avons estimé que la rétention de Si est 2 fois plus importante dans le marais envahis (8 %) que dans le marais non envahis (4 %). L’enfouissement de bSiO2 augmente de 50% dans les marais envahis. Les différences observées peuvent s’expliquer par le fait que S. Alterniflora est une espèce bioingénieure qui augmente la sédimentation. L’effet de l’invasion de S. A1ternlora sur la rétention du Si dans les marais semble plus dû à des processus physiques que biologiques puisque le flux d’absorption de la plante ne représente que 0,1 % de l’apport total de Si dans les rivières.