Thèse soutenue

Résilience et vulnérabilité à l'addiction chez le rat : rôle révélateur du choix

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Auteur / Autrice : Eric Augier
Direction : Serge Ahmed
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences, technologie, santé. Neurosciences
Date : Soutenance le 22/11/2011
Etablissement(s) : Bordeaux 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la vie et de la santé (Talence, Gironde ; 1993-....)
Jury : Président / Présidente : Marc Auriacombe
Rapporteurs / Rapporteuses : Florence Noble, Marcello Solinas

Résumé

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L’addiction à la cocaïne, aussi appelée dépendance (APA 1994), est un trouble chronique associé à un risque élevé de rechute. Ce trouble touche une fraction significative des consommateurs de cocaïne (environ 15%) et est caractérisé par (1) une compulsion de la recherche et de la prise de cocaïne, (2) une perte de la capacité de contrôler sa consommation et (3) l’émergence d’un état émotionnel négatif (par exemple anxiété, irritabilité) lorsque le sujet dépendant est sevré. Le plus surprenant dans l’addiction est que les sujets atteints semblent agir contre leur propre intérêt, et ce malgré la conscience des conséquences néfastes de leur comportement. Un des grands enjeux actuels de la recherche sur l’addiction est de comprendre les mécanismes neurobiologiques expliquant le passage d’une consommation de drogue occasionnelle, récréative à une consommation compulsive et incontrôlée.Devant les limitations inhérentes aux études neurobiologiques chez l’homme (impossibilité d’utiliser des techniques invasives, méthodes employées corrélationnelles), ces études sont souvent complémentées par des études parallèles sur des modèles animaux de prise de drogue et d’addiction. Bien qu’ayant permis des découvertes importantes sur la neurobiologie de la cocaïne (comme par exemple l’implication du système dopaminergique dans les propriétés renforçantes de la cocaïne), la validité de ces modèles reste toutefois incertaine, en particulier à cause de l’absence de choix pendant l’accès aux drogues. Dans ces conditions, il est difficile de savoir si les animaux consomment de la drogue par compulsion ou bien par défaut d’autres choix.Afin d’étudier ce problème, nous avons développé dans notre équipe en 2007 un nouveau modèle dans lequel des rats ont le choix de prendre de la cocaïne ou de s’engager dans une autre activité récompensante (par exemple boire de l’eau sucrée avec de la saccharine). Il a ainsi pu être montré que la vaste majorité des animaux se détournaient de la drogue au profit de la récompense alternative. Mon travail de thèse a consisté à confirmer et tester la généralité et la robustesse de cette découverte surprenante. J’ai ainsi pu montrer que la cocaïne occupait une faible place sur l’échelle de valeur du rat, au niveau des concentrations les plus faibles d’eau sucrée. J’ai également pu établir que la préférence des animaux pour l’eau sucrée ne peut être expliquée ni par l’existence de propriétés anxiogènes de la cocaïne, ni par l’attrait pour la nouveauté du goût sucré et, enfin, ni par l’impossibilité de l’animal de contrôler son degré d’intoxication à la drogue. Enfin, de manière importante, j’ai pu constater que seule une minorité d’individus, n’excédant pas 15 % au niveau le plus sévère d’exposition à la drogue, continue à prendre de la cocaïne malgré le choix, même lorsqu’ils sont en privation alimentaire et qu’ils ont la possibilité de choisir un sucre naturel qui pourrait combler leur besoin en calories.L’ensemble de ces résultats pourrait alors signifier que, comme chez l’être humain, l’addiction à la cocaïne ne touche qu’une fraction minoritaire d’individus, la large majorité restante étant résiliente à l’addiction (c’est-à-dire résistante quelque soit le degré d’exposition à la cocaïne). Le modèle de choix pourrait donc servir à révéler et à sélectionner objectivement et efficacement les individus vulnérables face à l’addiction. Les nombreuses applications de cette méthode de sélection par le choix sont discutés à la fin de ma thèse