Les traversées de la Honte : des douleurs du cancer à la douleur d'exister : Tentative d'élaboration psychanalytique du concept de déportation psychique
Auteur / Autrice : | Carole Mariotti |
Direction : | Marie-José Del Volgo |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Soutenance le 28/11/2011 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Cognition, Langage et Éducation (Aix-en-Provence) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Université d'Aix-Marseille. Pôle psychologie et sciences de l'éducation |
Laboratoire : Laboratoire de psychologie clinique, de psychopathologie et de psychanalyse (Aix-En-Provence ; 2002-...) | |
Jury : | Président / Présidente : Alain Abelhauser |
Examinateurs / Examinatrices : Marie-José Del Volgo, Alain Abelhauser, Pascal-Henri Keller, Marie-Jean Sauret | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Pascal-Henri Keller, Marie-Jean Sauret |
Mots clés
Résumé
Est-il possible de détruire un homme ? Est-il possible pour un homme de se sentir inhumain au point de se négativer lui-même quand ce sentiment lui devient insupportable ? Il existe des situations extrêmes, des épreuves de vie insoutenables et des expériences honteuses qui remettent en question ce sentiment d’appartenance à l’humanité. Jean, Margaret et Abel questionnent leur place dans la relation à l’autre et au monde face à une maladie qui perturbe leur existence et les confronte à de nombreuses pertes : Perdre sa dignité, perdre un enfant, perdre sa mère et perdre, pour certains, l’ignorance d’un savoir sur sa propre mort. Le cancer, lorsqu’il est mis en place de l’Autre, fonctionne parfois comme une sentence de mort, comme un point de certitude, comme une lettre mortuaire qui se chronicise dans la pensée et qui réorganise la place du sujet dans son rapport à l’Autre et à l’objet. La clinique nous montre ici à quel point le signifiant « cancer » confronte certains patients à une épreuve de réel insoutenable qui se présente dans l’imaginaire, soit sous la forme d’un précipice, d’un vide dans lequel ils peuvent tomber, soit dans le tic-tac d’une bombe à retardement susceptible d’exploser à tout moment. La clinique nous montre aussi qu’il existe des métaphores difficiles à entendre mais qui ne peuvent demeurer dans les limbes de la pensée. Au-delà de la métaphore du cancer comme système concentrationnaire, notre travail consiste à dégager un mode de fonctionnement logique et un positionnement subjectif particuliers.À partir des traversées de la honte, des expériences douloureuses et de cette profonde douleur d’exister que la maladie cancéreuse peut réactiver, nous verrons qu’une trajectoire de vie peut s’inverser. Le concept de « déportation psychique » concerne, selon nous, une inversion temporelle et une réorganisation subjective qui fera dire à celui qui l’éprouve : « Si ce n’est pas aujourd’hui, c’est que je vais mourir demain ». La mort plantée ainsi dans l’horizon d’un regard obscurcit l’histoire de vie du sujet dans une sorte de mélancolisation de son existence et dans la présentification de son « être pour la mort ».Est-il possible de détruire un homme ? « Si c’est un homme » écrit Primo Levi en posant, selon nous, la question ontologique suivante : « Que suis-je donc pour avoir vécu tout cela ? Pour l’autre, pour moi ? Suis-je un sujet ou un objet ? » Il interrogerait ainsi la qualité et la valeur d’un homme lorsqu’il est traversé par la figure du muselmann. À cette question, Pierre Fédida y répond par la nécessité de la ressemblance, Jacques Lacan par la nécessité de la langue. Primo Levi nous le montre dans sa rencontre avec Hurbinek : Pour être un homme, il faut être pris dans la langue ; il est nécessaire soit de parler, soit d’être parlé. Pour le détruire, il faut l’en extraire et faire en sorte qu’il croie qu’il n’est rien que ça, un simple déchet qui fait « tache dans le tableau » de l’humanité.