Étude de la diffusion en Gaule d'une technique romaine d'élaboration de sigillées à travers l'analyse microstructurale des surfaces décoratives (ou engobes)
Auteur / Autrice : | Yoanna Léon |
Direction : | Philippe Sciau, Robert Sablayrolles |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Physique de la matière |
Date : | Soutenance en 2010 |
Etablissement(s) : | Toulouse 3 |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
La céramique sigillée est une vaisselle de table décorée de formes standardisées caractéristique de la période romaine et dont la fabrication est réservée à quelques ateliers spécialisés. Reconnaissable par ses décors mais surtout par sa couleur rouge, elle se caractérise par un engobe grésé obtenu par vitrification sous atmosphère oxydante d'une préparation argileuse finement décantée et riche en fer. La technique de fabrication apparaît en Italie centrale au cours du premier siècle avant J. C. (Arezzo, Pise) et va ensuite s'étendre, durant la période augustéenne. Dès le début de notre aire, de grands centres de production de sigillées (La Graufesenque, Montans) se mettent en place dans le sud de la Gaule, développant leur propre répertoire de forme et de décoration. Avant cela, ces centres sud-gaulois et d'autres ateliers à diffusion plus régionale (Bram), ont produit dans le sud de La Gaule une céramique à engobe non grésé, reproduisant les formes anciennes des sigillées italiques. L'analyse microstructurale des engobes de ces différentes productions, réalisée à différentes échelles par des techniques de caractérisation complémentaires, apporte des informations pertinentes sur le contexte entourant l'apparition des premiers ateliers de sigillées sud-gaulois. Les principales réactions chimiques intervenant dans la formation des vernis ont pu être identifiées grâce à une étude menée en parallèle sur le comportement en température d'une sélection d'argiles permo-triasiques (source probable des engobes). De l'ensemble de ces données, il est à présent possible de déterminer les conditions (nature et composition de l'argile, température et atmosphère de cuisson) conduisant à tel ou tel type de microstructure mais également de mettre en évidence les similitudes et les caractéristiques propres de chaque atelier. La variation spatiale du rapport Fe2+/Fe3+ obtenu par XANES au seuil K du fer, permet, par exemple, d'identifier en grande partie les variations d'atmosphère au cours de la cuisson, et de distinguer facilement les sigillées des présigillées rouges qui conservent toujours la trace de leur cuisson en atmosphère réductrice. L'étude des vernis des sigillées par spectroscopie Raman montre, quant à elle, que les défauts cristallins de l'hématite (pigment principal) dépendent des conditions d'élaboration (nature de l'argile et température de cuisson) et peuvent donc être utilisés comme critère pour distinguer les différentes productions entre elles. Les principaux résultats montrent que la céramique à vernis non grésés (présigillées) fabriquée quelques dizaines d'années avant la production de vraie sigillée, correspond bien à un produit fini de fabrication plus traditionnelle et à diffusion locale, visant peut-être à combler un besoin lié au déficit en vaisselle de table qui existait à cette époque. Les potiers ont adapté la composition de leur vernis en fonction des fours à flammes directes traditionnellement utilisés (cuisson en atmosphère réductrice) dans le but d'obtenir un engobe rouge, mais n'ont jamais cherché à modifier le mode de cuisson pour fabriquer de la sigillée à engobe grésé. Les productions de sigillées, cuites en atmosphère oxydante se mettent en place brutalement dans les années +20, ce qui suggère l'intervention de spécialistes (italiens) maîtrisant déjà parfaitement la technique. Ce transfert s'est accompagné d'une modification du procédé d'élaboration qui confère aux vernis une meilleure résistance mécanique et améliore également leurs propriétés optiques, mais nécessite cependant une température de cuisson plus importante et donc un coût supplémentaire. Pourtant l'étude des ressources en argiles des différents centres sud-gaulois tend à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une adaptation aux argiles locales. Il semblerait qu'une différence dans la préparation du vernis soit responsable de cette modification structurale. Les potiers de La Graufesenque et de Montans ont vraisemblablement adapté de nouveaux procédés (mode de cuisson) tout en conservant un certain savoir faire indigène pour la préparation de l'argile. Cette modification résulte donc d'un choix volontaire ou en tout cas d'un procédé particulier volontairement conservé, qui entraîne une évolution du produit. Celui-ci devient plus fonctionnel mais tout aussi esthétique peut-être en réponse à un besoin en vaisselle utilitaire plus marquée à cette époque. Même si on ne peut pas vraiment parler d'un changement de statut de la sigillée, il est clair que cette évolution suit, de façon parallèle, les variations de contexte politique et économique (empire / Principat) qui entoure les deux productions considérées (italiques et sud-gauloises).