Caractérisation moléculaire d'inversions péri- et paracentriques et analyse de leurs effets sur la méiose d'individus porteurs hétérozygotes
Auteur / Autrice : | Katia Julian |
Direction : | Alain Ducos, Alain Pinton |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Génétique cellulaire |
Date : | Soutenance en 2010 |
Etablissement(s) : | Toulouse 3 |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Les inversions sont des anomalies chromosomiques de structure résultant d'une double cassure sur un même chromosome et d'un retournement à 180° du segment chromosomique ainsi généré. Ces inversions sont dites péricentriques si les points de cassure sont localisés de part et d'autre du centromère, ou paracentriques dans le cas contraire. Chez l'Homme, la fréquence estimée des inversions péricentriques est de 0. 012% à 0. 07% et de 0,01% à 0,05% pour les inversions paracentriques (McKinlay-Gardner et Sutherland, 2004). Les porteurs hétérozygotes ne présentent généralement pas d'altération phénotypique mais sont susceptibles de rencontrer des problèmes de reproduction en raison de perturbations du processus méiotique conduisant à des troubles de la spermatogenèse et/ou à la production de gamètes génétiquement déséquilibrés. De nombreuses inversions ont été identifiées chez l'Homme et dans les espèces animales d'élevage. Cependant, peu d'études de ségrégation méiotique d'inversions ont été publiées à ce jour chez l'Homme (par exemple Morel et al. 2007), et aucune dans les espèces animales d'élevage. L'analyse méiotique de différentes inversions identifiées chez le porc dans le cadre du programme national de contrôle chromosomique mis en œuvre par notre laboratoire présente un double intérêt. Le premier est zootechnique. En effet, lors de la mise en évidence d'une inversion chez un futur reproducteur, sa réforme était jusqu'à présent systématiquement conseillée aux éleveurs. Toutefois, l'application de ce principe peut s'avérer difficile et/ou non optimal car elle peut conduire à l'élimination d'individus par ailleurs génétiquement intéressants et ainsi induire une baisse de l'efficacité des programmes de sélection. Raisonner l'utilisation des reproducteurs sur la base d'une prédiction de l'effet potentiel des remaniements nous semble une alternative raisonnable. L'un des objectifs de la Thèse est donc la mise au point et l'évaluation d'une méthode de prédiction basée sur l'estimation du pourcentage de gamètes déséquilibrés dans des échantillons de semence. Le second objectif est cognitif. En effet, des difficultés d'ordre technique et/ou éthique rendent difficile l'acquisition de certaines connaissances concernant le comportement méiotique de remaniements chromosomiques chez l'Homme. C'est le cas par exemple de l'effet du sexe du parent porteur sur le comportement et les produits de la méiose en présence d'une inversion. Le recours à un modèle animal (le porc en l'occurrence, dont la structure chromosomique est proche de celle de l'Homme) permet de s'affranchir de certaines contraintes, et d'apporter de nouvelles connaissances dans des domaines non encore documentés. Un autre objectif de la Thèse est, dans cet esprit, de réaliser une étude comparée des ségrégations méiotiques '' mâle '' et '' femelle '' d'une même inversion et ainsi de déterminer l'influence du sexe du porteur sur les effets de l'anomalie. L'analyse des profils de ségrégation méiotique '' mâle '' a été réalisée par la méthode de SpermFISH (hybridation in situ en fluorescence sur noyaux de spermatozoïdes décondensés). Les ségrégations méiotiques femelles ont pour leur part été étudiées par analyse de métaphases II d'ovocytes de truies maturés in vitro. Dans les deux cas, des sondes moléculaires de type BAC ont été utilisées. Les études d'appariement méiotique ont été réalisées à partir de biopsies testiculaires réalisées chez un verrat porteur d'une inversion péricentrique du chromosome 4. Ces échantillons ont été analysés par des méthodes d'immunocytologie à l'aide d'anticorps permettant de détecter spécifiquement certaines protéines. Les études de ségrégation méiotique de 7 inversions de tailles et de types différents ont été réalisées : les pourcentages de gamètes génétiquement déséquilibrés variaient de 0,6% à 4%, suggérant que ces inversions ont un impact très limité sur la reproduction. De manière surprenante, la proportion de gamètes anormaux produits n'est pas corrélée avec la taille du fragment inversé, comme cela est le cas chez l'Homme. La comparaison des profils de ségrégation '' mâle '' et '' femelle '' pour une inversion du chromosome 4 n'a pas non plus montré de différence de production de gamètes déséquilibrés entre les deux genres (4% et 3,6% respectivement). Le sexe du porteur ne semble donc pas être un facteur déterminant pour la production de gamètes anormaux. L'analyse des phases précoces de la méiose pour un animal porteur de la même inversion péricentrique du chromosome 4 à montré un comportement méiotique particulier du bivalent: plus de 90% des cellules montraient en effet un appariement non homologue de la région inversée. De plus, des évènements de crossing over dans la région inversée du chromosome 4 n'ont été observés que dans 5% des cas. Le comportement des chromosomes est responsable de la faible recombinaison dans la région inversée et donc de la faible proportion de gamètes génétiquement déséquilibrés estimée (4% en moyenne). Ces résultats demandent néanmoins à être confirmés par d'autres analyses. L'étude en cours des phases précoces de la méiose chez deux porteurs d'inversions péricentriques du chromosome 8 devraient nous permettre très prochainement d'approfondir nos connaissances sur le comportement méiotique des chromosomes en présence d'inversion. Par ailleurs, la mise au point de nouvelles techniques au sein du laboratoire, telles que la production de cellules souches induites (iPS) porcines, nous permet aussi d'envisager à moyen terme l'étude de l'intégralité du processus méiotique mâle en présence d'une inversion.