Thèse soutenue

Le peuplement humain de Madagascar : anthropologie génétique de trois groupes traditionnels
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Auteur / Autrice : Harilanto Razafindrazaka
Direction : Éric CrubézyClément SamboBertrand LudesLouis-Paul Randriamarolaza
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biotechnologies, anthropobiologie
Date : Soutenance en 2010
Etablissement(s) : Toulouse 3

Résumé

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Le peuplement humain de Madagascar pose de nombreuses questions sur ses origines, son ancienneté et le cadre historique dans lequel il s’inscrit. Si la double contribution principale austronésienne et africaine est affirmée par des éléments culturels, historiques et également biologique, elle est moins évidente à travers les origines de la langue, le Malagasy, langue unique parlée par toutes les populations de l’île. En effet, le Malagasy est une langue austronésienne directement héritée des ancêtres austronésiens qui a intégré des éléments de langue bantoue dans des lieux et à des moments pour l’instant inconnus. Ce fait révèle une complexité sous-jacente des contacts entre les groupes au moment aux premiers temps de la mise en place du peuplement. C’est en essayant d’apporter des réponses au processus d’installation du peuplement que nous avons choisi des populations autochtones Malgaches. Cela, revient à une confrontation entre données biologiques, historiques, culturelles et paléoenvironnementales. Matériels et méthodes Nous avons étudié 260 sujets relevant de trois groupes, les Mikea (n=127) derniers chasseurs cueilleurs de l’île, les pêcheurs Vezo Nord (n=52) en relation avec les Mikea et les pêcheurs Vezo Sud (n=49) ainsi que 32 descendants d’une lignée royale des Merina (des Hautes-Terres) d’origine austronésienne et dont l’histoire et l’ancrage culturels sont bien appréciés. Nous avons étudié : (i) Les lignées maternelles sur la base des régions HV1 et HV2 de l’ADN mitochondrial ainsi que du séquençage total de 3 ADN mitochondriaux relevant d’un haplogroupe particulier et de 6 ADN mitochondriaux dont les haplogroupes n’avaient pu être déterminés. (ii) Les lignées paternelles via l’analyse des polymorphismes du chromosome Y (NRY) (SNP et STR) A partir de ces données nous avons procédé à plusieurs approches intra et intergroupes ainsi qu’à des comparaisons avec d’autres populations africaines, austronésiennes, moyen-orientales et asiatiques ainsi qu’à des analyses phylogéographiques. Résultats Relations intra et inter groupes : Les groupes sont bien distants génétiquement et ils ne reflètent pas juste une appartenance à un mode de vie comme cela avait pu parfois être suggéré auparavant. Toutefois la mise en évidence d’importantes migrations intérieures révèle la complexité de la définition des groupes malgaches et des relations entre eux. Les confrontations des données génétiques entre les Mikea et les Vezo révèlent que le front de néolithisation (avancée des agriculteurs) a déjà absorbé les chasseurs-cueilleurs en tant que population distincte génétiquement. Il en est de même entre les chasseurs-cueilleurs et certains pêcheurs, car si Les Mikea sont bien distincts des Vezo du Sud, ils sont semblables à ceux du Nord avec qui ils partagent de très nombreuses lignées qui témoignent de flux géniques d’importance. Par ailleurs, pour les deux systèmes génétiques étudiés, l’endogamie bilatérale est bien confirmée chez les descendants de lignées royales des Hautes-Terres. L’hypothèse en tant que vecteur austronésien est révélée subtilement à travers les lignées maternelles confrontées aux données ethnohistoriques. Les origines : Un biais sexe-spécifique de la composante austronésienne semble apparaître avec des lignées maternelles qui sont plus représentées que les lignées paternelles dans le pool génétique. Quant à la composante africaine elle a une diversité plus importante tant dans les lignées paternelles que maternelles. Les empreintes des ascendances moyen-orientales sont également détectées et elles présentent également un biais sexe spécifique. Les approches phylogéopgraphiques : Les séquençages totaux de l’ADN mitochondrial ont révélé d’une part un nouvel haplogroupe qui est le « Motif Malagasy ». Il doit son nom à sa parenté avec le motif Polynésien, présent jusqu’à 90% dans les îles du Pacifique. Ce « Motif Malagasy » est absent des populations du Pacifique ce qui rejette d’anciennes hypothèses sur des origines polynésiennes de la composante Austronésienne des Malagasy. Une nouvelle branche qui semble avoir une distribution globale et limitée africaine et/ou eurasienne (entre Moyen-Orient et Inde) a également été définie, il s’agit de l’haplogroupe M23. L’estimation de son âge (1. 7-3. 9 103; intervalle de confiance à 95%, 0-8. 2 103) autorise à penser que cette rare lignée pourrait représenter une présence précoce pré-Austronésienne. Discussion Contrairement à ce que certaines données ethnographiques semblent démontrer depuis quelques années, les groupes ethniques sont bien identifiés et ils nécessitent des approches fines des échantillonnages des populations. Le groupe endogame descendant de lignée royale semble porter les traces d’anciennes structures matrilocales héritées des premiers ancêtres austronésiens. Quant à la distribution géographique, la classification phylogénétique et la datation moléculaire de la nouvelle branche M23, un peuplement plus complexe de l’île que ce qui est traditionnellement attesté jusqu’à présent se dessine. Cette nouvelle branche ainsi que le motif Malagasy offrent des opportunités futures d’avoir de meilleures visions de la distribution géographiques des ancêtres des Malgaches. Quant aux origines des deux principales composantes du pool génétique des Malgaches, une origine majeure est localisée dans la partie centrale de l’archipel indonésien tandis que les origines africaines semblent être fortement liée à la présence des bantoues en Afrique de l’Est. La dominance des haplogroupes paternels qui signent les expansions bantoues pourrait être liée à la traite des esclaves.