Thèse soutenue

Énonciation et dénonciation du pouvoir dans quelques romans négro-africains d'après les indépendances.

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Auteur / Autrice : Fallou Mbow
Direction : Dominique Maingueneau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences du langage. Analyse du discours
Date : Soutenance le 08/12/2010
Etablissement(s) : Paris Est en cotutelle avec Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Faculté des lettres et sciences humaines
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés (Créteil ; 2010-2015)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude des discours, images, textes, écrits et communications (Créteil)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Dominique Maingueneau, Moussa Daff, Xavier Garnier
Rapporteurs / Rapporteuses : Gilles Philippe

Résumé

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Le roman négro-africain de dénonciation que nous appelons « roman subversif » et que d'aucuns insèrent dans la catégorie dite roman de la rupture, en tant que macro-acte de langage, comporte bien une visée illocutoire subversive. Cela est vrai même si le discours littéraire négro-africain d'après les indépendances, à l'instar de tout discours, reste contraint, c'est-à-dire en grande partie déterminé par le contexte sociopolitique, mais également le champ littéraire francophone où entrent en concurrence divers « positionnements » et « postures » d'auteurs. Nous montrons dans ce travail que cette visée qui est une entreprise de dévoilement des dérives des nouveaux régimes politiques et/ou religieux, résultante de l'intrication du contexte non verbal négro-africain et de l'intérieur des romans, et qui se traduit par la construction littéraire de divers ethos individuels et collectifs, peut s'étudier, entre autres, au moyen de la méthode d'analyse du discours. En reliant extérieu r et intérieur du texte littéraire, ce qui écarte l'immanence structuraliste, nous abordons le roman négro-africain d'après les indépendance comme un dispositif d'énonciation dont le centre déictique et modal est le garant du discours, à savoir le narrateur principal qui est le plus souvent « homodiégétique » dans notre corpus à l'exception de Perpétue où il est « extradiégétique ». Ainsi, la thèse ruine la conception romantique qui distingue le moi social de l'écrivain et le moi créateur. Nous considérons donc que les romans de notre corpus sont des activités sociales s'insérant dans les pratiques discursives d'une société, ce qui consacre définitivement la relation texte et société en mettant en branle des notions de la problématique de l'énonciation à grande portée socioculturelle comme la « scénographie », la « scène générique », la « scène validée », la « paratopie », etc. Nous confirmons donc la possibilité d'un enrichissement des approches de la littéraire négro-afric aine considérant l'histoire littéraire composée de trois entités séparées (l' « homme », l' « uvre » et le « milieu ») et qui sont restées plus ou moins classiques, c'est-à-dire thématiques, souvent sociologiques. En recourant systématiquement aux outils de la linguistique de l'énonciation, de la pragmatique, de la linguistique textuelle, de l'argumentation, de la linguistique interactionniste, etc., nous appliquons à quelques romans négro-africains d'après les indépendances et à plusieurs séquences textuelles que nous avons sélectionnées et tirées de ce corpus, la méthode de l'analyse du discours telle qu'elle est théorisée dans la sphère européenne par des chercheurs tels que Dominique Maingueneau et Patrick Chareaudeau, mais également d'autres qui ont développé des problématiques linguistiques proches ou similaires : Jean Michel Adam, Ruth Amossy, Emile Benveniste, Catherine Kerbrat-Orecchioni, Oswald Ducrot, etc., pour ne citer que ceux-là. L'étude de la polyphonie pour la détermination des voix en présence dans les romans nous conduit à l'étude, d'une part, de la double énonciation qui se traduit par les dialogues en tant que modalité narrative où plusieurs énonciateurs sont mis en scène, de l'autre, de tous les types de discours rapporté, mais également de la manifestation verbale du peuple négro-africain. Ces voix définissent des identités énonciatives, celles des camps opposés, à savoir le pouvoir politique et/ou religieux et les opposants qui sont sans cesse en conflit dans les romans. Bannissant l' « authenticité » qui était la visée des conceptions identitaires négro-africaines comme la Négritude, les auteurs du corpus utilisent le discours rapporté et la double énonciation non pour restituer la réalité crue, comme dans le roman à thèse, mais pour dénoncer en dictant, en creux, au lecteur modèle ce qu'il faut penser ou croire. La tourmente politique et/ou religieuse est décriée par la présentation au lecteur de « patrons discursif » et d'un code langagier qui s'insérèrent dans l' « interdiscours » et qui montrent différents ethos populaires ou individuels fonctionnant comme des repoussoirs utilisés pour la dénonciation. Le lecteur modèle arrive à produire l'effet discursif attaché aux textes par l'activité d'« incorporation » de ces ethos qui se manifestent par une certaine corporalité et une vocalité précise.Mots clés :Énonciation, polyphonie, « scène d'énonciation », genre, dialogue, interaction, argumentation, « posture », « paratopie », ethos, discours, texte, contexte.