Le meurtre de Bruay en Artois : quand une affaire judiciaire devient une cause du peuple (1972-1974)
Auteur / Autrice : | Rémi Guillot |
Direction : | Annie Collovald |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science Politique |
Date : | Soutenance le 29/11/2010 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Droit et Science Politique (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 1992-...) |
Jury : | Président / Présidente : Marie-Claire Lavabre |
Examinateurs / Examinatrices : Annie Collovald, Marie-Claire Lavabre, Érik Neveu, Frédéric Sawicki, Francis James, Violaine Roussel | |
Rapporteur / Rapporteuse : Érik Neveu, Frédéric Sawicki |
Résumé
Le 6 avril 1972, le corps d’une fille de mineurs de 15 ans, Brigitte Dewèvre, est découvert sans vie, sur un terrain vague d’une cité ouvrière du Pas-de-Calais, à Bruay-en-Artois. Le juge Henri Pascal est chargé de l’instruction et inculpe Me Pierre Leroy, le notaire de la ville. L’inculpation du notable est immédiatement interprétée par les journalistes comme le début d’une bataille d’un « petit juge contre les gros »; en effet, dans le contexte de l’après soixante-huit, l’action iconoclaste de ce juge qui incarcère un notable et ses discours aux accents de lutte des classes prônant une « justice à ciel ouvert » intriguent. De nombreuses rédactions dépêchent des reporters sur place. Dans la foulée, des maoïstes de la Gauche Prolétarienne (GP) présents dans la région s’emparent de ce fait divers et mobilisent à plusieurs reprises la population locale au nom de la « justice populaire ». Des manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes sont organisées pour soutenir le « petit juge ». Les prises de positions du juge Pascal contre le secret de l’instruction, sa collaboration ouverte avec les journalistes et la politisation de l’enquête entraînent son dessaisissement le 20 juillet 1972. Le dossier Dewèvre est transféré à Paris. Le contexte post-soixante-huitard de démobilisation et le classement du dossier contribuent à renvoyer l’affaire à la rubrique des faits divers, de l’agitation « gauchiste » et, finalement, des énigmes judiciaires irrésolues puisqu’on ne saura jamais qui a tué Brigitte Dewèvre. La médiatisation intensive de cette cause de justice transformée en cause politique reste dans les mémoires sous le nom d’« affaire de Bruay-en-Artois ».Notre thèse interroge les raisons pour lesquelles un dossier de justice, tiré d’un triste fait divers comme on peut en lire des dizaines dans les colonnes des quotidiens régionaux, a été transformé en une cause politique. Comment et selon quelles logiques des agents aussi différents qu’un juge d’instruction, des journalistes de presse locale ou nationale et des acteurs politiques tels que les maoïstes de l’ex-Gauche Prolétarienne se sont retrouvés pour faire du meurtre de la jeune Brigitte Dewèvre une cause commune défendue au nom « du peuple » ?