Thèse soutenue

Le thérapeute algérien face au trauma : burnout et apprentissage vicariant
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Auteur / Autrice : Nadia Kendil
Direction : Cyril Tarquinio
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie de la santé
Date : Soutenance le 04/11/2010
Etablissement(s) : Metz
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Perspectives Interculturelles : Ecrits, Médias, Espaces, Sociétés (PIEMES) (Metz-Nancy)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Adaptation, mesure et évaluation en santé. Approches interdisciplinaires
Jury : Président / Présidente : Édith Lecourt
Examinateurs / Examinatrices : Louis Crocq, Farid Kacha, Pierre Tap

Résumé

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Nous nous sommes proposé d’étudier la constitution d’un épuisement professionnel (burnout) chez une population de 105 thérapeutes algériens (psychiatres et psychologues) étant intervenus auprès des victimes des événements tragiques qui ont frappé l’Algérie dans les années 1990, 2001 et 2003, à savoir une vague d’attentats terroristes, l’inondation de Bab el Oued et le séisme de Boumerdès. Notre hypothèse de départ était étayée par le fait que thérapeutes et patients, relevant du même contexte psychosocial, avaient été les uns et les autres psychologiquement perturbés par ces événements et que, pour les thérapeutes, l’écoute empathique des récits d’horreur racontés par leurs patients pouvait exercer un effet de traumatisation vicariante, source de trauma secondaire et d’installation plus rapide d’un épuisement professionnel. Pour explorer l’expérience vécue de ces thérapeutes, nous leur avons fait passer un questionnaire de 28 items, précisé et complété d’une façon anonyme; et nous avons recherché chez eux d’une part l’existence d’un état de stress post-traumatique en nous référant aux critères cliniques du DSM-IV-TR, et d’autre part l’existence d’un burnout par application du Maslach Burnout Inventory (MBI). Nous avons croisé nos résultats avec le sexe, l’âge, la profession et l’ancienneté dans la profession ; et aussi en opposant les deux sous-populations de thérapeutes : ceux qui avaient été directement exposés à un événement potentiellement traumatisant, et ceux qui ne l’avaient pas été. Les résultats ont montré que la presque totalité de ces thérapeutes intervenants remplit les critères A et B du DSM-IV-TR (PTSD).Cela laisse sous entendre que vivre - directement ou indirectement - un traumatisme en Algérie, quels que soient sa violence et les vécus d’horreur et d’impuissance qu’il engendre, est susceptible de faire naître ensuite des symptômes d’intrusion. Par contre, les attitudes d’évitement et les manifestations neurovégétatives (critères C et D du DSM-IV-TR) n’étaient présentes que pour certains, représentant les conséquences de leur détresse, sans constituer pour autant la totalité de cette détresse et des autres aspects éprouvants du vécu. Ces tableaux sémiologiques laissent transparaître un accomplissement personnel plus faible du thérapeute à l’égard de son travail, voire le développement en cours d’un état d’épuisement professionnel. Les réponses au questionnaire montrent aussi que l’auto insatisfaction, le désir de donner plus et la crainte de « mal faire » en temps de crise ont été au centre des préoccupations des thérapeutes algériens. Aucun des critères de sexe, de profession, d’âge et d’expérience professionnelle n’est significativement corrélé avec la vulnérabilité du thérapeute confronté à des visions d’horreur ou des images tragiques sur le terrain ; ni corrélé avec les résultats obtenus à l’inventaire de burnout de Maslach. Il en est autrement pour les éventuelles décharges émotives que les thérapeutes ont pu manifester lors de leurs interventions auprès des traumatisés ; ces décharges émotives sont plus le fait des femmes que des hommes. Par ailleurs, la vulnérabilité à l’impact du trauma trouve ses assises dans la personnalité de chacun, et dans les expériences antérieures de chaque personne. Avoir vécu directement le terrorisme, les catastrophes naturelles ou d’autres événements potentiellement traumatisants ainsi que les autres traumatismes collectifs, ne favorise pas l’épuisement émotionnel, ni l’autoévaluation négative à travers la réduction de l’accomplissement personnel dans l’intervention du thérapeute. Par ailleurs, les thérapeutes qui n’ont personnellement vécu que les catastrophes naturelles semblent avoir moins tendance à réagir par le cynisme dans leur relation au patient, ou par la déshumanisation : le fait de partager le même contexte psychosocial avec leurs semblables les inciterait à faire preuve de plus de compassion