Thèse soutenue

Etude in vivo des relations entre la pathologie Tau et le système neurotrophique BDNF/TRKB
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Auteur / Autrice : Sylvie Burnouf
Direction : David Blum
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance en 2010
Etablissement(s) : Lille 2

Résumé

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La mémoire est une fonction cognitive permettant l’encodage, le stockage et la restitution des informations que nous percevons. Elle est essentielle à la construction d’une histoire personnelle et à une interaction adéquate de l’individu avec son environnement. Ces phénomènes nécessitent une plasticité cellulaire importante au niveau des structures cérébrales que sont la région hippocampique et le cortex. Au niveau moléculaire, les neurotrophines ont été montrées comme étant des médiateurs importants de la plasticité structurale et fonctionnelle. La neurotrophine BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor) et son récepteur de haute affinité TrkB (Tropomyosine-related kinase B) sont fortement exprimés dans ces régions cérébrales à haut degré de plasticité, où, au delà du simple rôle de support trophique nécessaire à la survie des neurones, ils régulent la transmission synaptique et la synaptogenèse. Leur implication dans les phénomènes de mémoire a été montrée dans de nombreuses études. Dans des situations pathologiques où la mémoire est altérée, comme c’est le cas dans la maladie d’Alzheimer (MA), les patients perdent la capacité de se rappeler leur passé et par conséquent d’échanger avec eux-mêmes et avec les autres. Par là même, cette maladie neurodégénérative dont le principal facteur de risque est l’âge, est l’un des plus grands fléaux de notre société de par le vieillissement de la population. Au niveau histopathologique, le cerveau des patients présente deux lésions caractéristiques : les dépôts amyloïdes, composés de peptides β-amyloïdes (Aβ) accumulés sous forme de plaques extracellulaires, et la dégénérescence neurofibrillaire (DNF), correspondant à l’inclusion intraneuronale de protéines Tau hyper- et anormalement phosphorylées. De nombreuses études ont également montré une dérégulation du système neurotrophique BDNF/TrkB dans l’hippocampe et le cortex des patients atteints de MA, suggérant un rôle dans la physiopathologie de cette maladie. L’étude de modèles animaux modélisant le versant amyloïde de la MA a permis de mettre en évidence un effet de l’accumulation du peptide Aβ sur la diminution des niveaux de BDNF dans le cortex. Cependant, l’impact de la pathologie Tau sur le système BDNF/TrkB est actuellement inconnu. Or, l’atteinte progressive des structures cérébrales par la pathologie Tau chez les patients atteints de MA s’opère de manière stéréotypée et est corrélée au développement des altérations mnésiques. La région hippocampique est la première touchée, avant même l’apparition des premiers signes cliniques, puis la pathologie Tau va s’étendre à l’ensemble du cortex dans des stades plus avancés de MA. Pour ces raisons, nous portons au sein du laboratoire un intérêt particulier pour la pathologie Tau, les mécanismes conduisant à son accumulation et ses conséquences sur la physiologie cellulaire. Afin de répondre à ces questions, nous disposons d’un modèle murin transgénique de pathologie Tau, la souris THYTau22, surexprimant une isoforme de Tau humaine mutée sur deux sites et sous contrôle d’un promoteur neuronal. Ce modèle présente dès l’âge de trois mois des altérations progressives de l’apprentissage et de la mémoire en parallèle d’une accumulation de protéine Tau principalement au niveau hippocampique, sans perte neuronale majeure, ce qui lui confère les caractéristiques d’un stade précoce de MA. Il s’agit par conséquent d’un modèle tout à fait pertinent pour étudier l’impact de la pathologie Tau sur le système BDNF/TrkB dans l’hippocampe. Par un ensemble de techniques biochimiques, nous avons mis en évidence le fait que les niveaux de transcrits et de protéines BDNF et TrkB n’étaient pas diminués dans l’hippocampe des souris THY-Tau22 avant l’âge de douze mois, suggérant l’absence d’impact majeur de la pathologie Tau sur leur expression. En revanche, des expériences électrophysiologiques menées sur des tranches d’hippocampe ont permis de mettre en évidence le fait que l’effet facilitateur du BDNF sur la transmission synaptique, appelé facilitation synaptique, est retrouvé aboli dans la région CA1 de l’hippocampe des souris THYTau22, et ce dès l’âge de 3 mois. Cette forme de plasticité synaptique requiert le couplage TrkB/récepteur glutamatergique NMDA. En accord avec les données biochimiques montrant une diminution de l’expression des différentes sous-unités du récepteur NMDA dans l’hippocampe, nos données électrophysiologiques mettent en évidence un défaut de la réponse des récepteurs NMDA lors de l’application de leur agoniste spécifique, le NMDA, sur des tranches hippocampiques de souris THY-Tau22. L’ensemble de ces données suggère qu’une forme de plasticité synaptique médiée par le BDNF est altérée de manière précoce par la pathologie Tau, et ce via une altération fonctionnelle des récepteurs NMDA, contribuant potentiellement aux altérations mnésiques observées dans la MA. Après avoir mis en évidence une altération de la fonctionnalité du système neurotrophique BDNF par la pathologie Tau, nous avons voulu investiguer si, en retour, une modulation du système BDNF pouvait avoir un impact sur la pathologie Tau. De nombreuses études suggèrent que la pratique d'une activité physique préviendrait le risque de survenue de la MA. Or, l’un des effets majeurs de l’exercice physique au niveau central est d’induire une augmentation chronique du BDNF hippocampique. Afin d'étudier les effets à long terme de l’exercice physique volontaire sur la pathologie Tau, des roues ont été mises à disposition de souris THY-Tau22 de trois mois et de leurs contrôles, et ce durant neuf mois. Nos résultats mettent en évidence une diminution de la pathologie Tau chez les souris THY-Tau22 ayant pratiqué une activité physique, en parallèle d’une amélioration de la mémoire spatiale et d’une augmentation des niveaux de BDNF hippocampique, suggérant les effets bénéfiques d’une modulation endogène et à long terme du système BDNF/TrkB sur la pathologie Tau et ses conséquences physiopathologiques. L’ensemble des résultats de cette thèse suggère par conséquent la présence d’un « dialogue » entre la pathologie Tau et le système neurotrophique du BDNF, mettant en exergue l’importance d’une modulation des neurotrophines dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.