Anxiétés culturelles et régulation institutionnelle : santé mentale ''spécialisée'' et ''souffrance immigrée'' à Paris
Auteur / Autrice : | Stéphanie Larchanché |
Direction : | Carolyn Fishel Sargent, Didier Fassin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Ethnologie et anthropologie sociale |
Date : | Soutenance en 2010 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS en cotutelle avec Washington university (Saint Louis, Mo.) |
Mots clés
Résumé
Cette thèse a pour objet l'expertise en santé mentale spécialisée telle qu'elle se pratique en France et analyse la prise en charge institutionnelle et les représentations de la différence culturelle dans ce pays aujourd'hui. Par santé mentale ''spécialisée'', je fais référence aux structures qui s'adressent aux immigrés en leur offrant des soins de santé mentale qui prennent en compte les représentations culturelles de la souffrance. J'identifie et étudie en particulier trois modes d'expertise et de traitement des troubles: la psychiatrie transculturelle, l'anthropologie médicale clinique, et la médiation ethnoclinique. En proposant une généalogie des institutions de santé mentale spécialisée, et en appréhendant ces dernières comme ''nœuds méta-discursifs'' - autrement dit, comme points de rencontre entre idéologies étatiques, institutionnelles, et individuelles - je propose une analyse des anxiétés culturelles, des contradictions, et des doubles contraintes qui relèvent de l'opposition entre une idéologie républicaine universaliste et régulatrice, et un champ d'expertise qui s'efforce de promouvoir des soins de santé mentale sensibles aux particularismes culturels dans l'expression des troubles. Je soutiens que, tant qu'elle se situe à l'intersection de ''la question immigrée'' et de ''la question sociale'', la ''souffrance immigrée'' (Sayad, 2004) est devenue le moyen d'exprimer les ''difficultés'' des immigrés - qu'elles soient liées à la santé mentale ou aux problèmes d'ordre structurel - en termes de différence culturelle. Par conséquent, les représentations culturelles qui stigmatisent les immigrés sont intériorisées, rendant difficile l'identification et la prise en charge des inégalités structurelles qui engendrent effectivement la souffrance.