Thèse soutenue

L'école aux marges de la tribu : approche anthropologique des stratégies d'accueil et d'intégration de l'institution scolaire en Nouvelle-Calédonie (Provinces Nord et Iles)

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Eddy Wadrawane
Direction : Pierre Clanché
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation
Date : Soutenance le 03/12/2010
Etablissement(s) : Bordeaux 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales : société, santé, décision (Bordeaux ; 1999-2011)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Alain Marchive, Bernard Rigo
Rapporteurs / Rapporteuses : Alban Bensa, Alain Pierrot

Résumé

FR  |  
EN

« Ici, c’est l’école de la chefferie. Les enseignants sont nommés avec le consentement de la tribu et de la chefferie. Ici, il y a le grand chef, le petit-chef et le pasteur et après l’administration […]. L’école, elle appartient au gavaman (gouverneur). C’est comme ça depuis. Tout ça c’est du domaine du Ledran (espace public). Cependant tout cela est posé sur nos terres ». L’intervention du dignitaire de la tribu de Padawa sur l’île de Maré en Nouvelle-Calédonie, le lundi 3 mars 1983 posait les éléments déclencheurs de réflexion sur l’agencement spatial de l’école en tribu kanak. L’expression utilisée par ce dignitaire clanique, « cela est posé sur nos terres », même si elle nous rend perplexe quant à la situation spatiale de l’école, elle nous offre cependant l’opportunité d’une approche socio anthropologique et un angle d’étude des rapports politiques progressifs liés à l’histoire d’insertion et d’intégration des groupes et des objets dans l’espace autochtone. La préposition « sur » implique la position de ce qui est en surface, de ce qui relève des autorités passagères, opposé à l’interne, « sous », qu’est l’espace foncier coutumier, espace d’enracinement. La dichotomie « sur » et « sous » comme concepts spatiaux renvoie aux formules d’accueilli et d’accueillant, entendues comme représentation d’ordre d’arrivée dans l’espace socialisé, la tribu. Cet ordre d’occupation devient un argument fort de la revendication de légitimité entre autochtones eux-mêmes puis entre autochtones et les autres groupes de population. Les microespaces vitaux sont gérés en fonction de l’ordre d’intégration et de localisation des groupes ou des objets du collectif. Cette distinction d’occupation spatiale peut alors élucider la localisation paradoxale de l’école à l’exemple de celle de la tribu de Padawa, qui seule, ressemblant à un poste de garde-frontières aux confins de la tribu. Rien n’est moins simple dans le milieu kanak où l’espace et sa gestion ne sont nullement des objets éphémères voire même évanescents. Orientée selon la méthode dite qualitative à travers la discursivité sociale, notre réflexion sur la place de l’école en milieu kanak, non seulement scruterait la raison intentionnelle autochtone à vouloir positionner paradoxalement l’infrastructure mais aussi selon la confrontation de deux espaces, -Esotérique et Exotérique-, comment Savoir autochtone, Savoir de l’école, Prestige et Pouvoir insulaire seraient mis en compétition selon des pratiques claires-obscures de stratégies d’anthropologisation politique des espaces, relevant d’aspects combinatoires. Le souci de recherche d’équilibre dynamique, suite à l’intégration de l’espace scolaire, conduirait par reformulation et réarrangement permanent à l’émergence au sens barycentrique d’un espace construit et attendu implicitement par les Accords, espace moderne que nous aimerions nommer, Espace Public Pays, nouvel espace dialogique où viennent se confronter divers discours et textes culturels complexes. En outre, notre analyse permettrait de reconsidérer ces espaces complexes identitaires indigènes au moment où, dans le contexte expéditif « déséquilibrant », l’autochtone risquerait son extradition dans un monde de formatage asphyxiant, dans lequel tout serait prétexte à ravaler ce reste identitaire, comme forme de déshumanisation en le dépossédant de la faculté à… et de … penser le monde, comme activité humaine noble. Ne serait-ce pas là notre défi ?