Ampleur et conséquences écologiques de l’envahissement du littoral corse par la fourmi d’Argentine (Linepithema humile, Mayr)
Auteur / Autrice : | Olivier Blight |
Direction : | Jérôme Orgeas, Erick Provost |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biologie des populations et écologie |
Date : | Soutenance en 2010 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille 3 |
Mots clés
Résumé
Originaire d’Amérique du Sud, la fourmi d’Argentine, Linepithema humile, a su profiter de l’essor du commerce international à la fin du 19ème siècle pour envahir de très nombreuses régions du globe soumises à un climat méditerranéen ou subtropical. Elle est aujourd’hui présente en forte densité dans le sud-ouest de l’Europe, le long des côtes portugaises, espagnoles, françaises et italiennes. Malgré sa présence en Corse depuis près de 50 ans, très peu de données sont disponibles sur les causes et conséquences de cette invasion. En ce sens, le présent travail a pour but d’apporter un éclairage précis sur trois axes majeurs de recherche sur la fourmi d’Argentine, à savoir sa structure sociale, sa distribution et dynamique d’expansion, et ses impacts sur la faune et la flore indigènes. Il s’inscrit dans le cadre des problématiques de gestion et de contrôle des espèces invasives. Notre étude confirme le caractère invasif de la fourmi d’Argentine le long du littoral corse. Grâce à des analyses comportementales, chimiques et génétiques nous avons montré qu’elle est organisée en deux supercolonies en Corse dont la supercolonie « corse » qui constitue une nouvelle entité pour l’Europe. L’exploration de près de 80 sites le long du littoral a permis de souligner la forte expansion de son aire de distribution depuis ces 10 dernières années. L’Homme à travers ses différentes activités constitue le moteur de cette dynamique d’invasion. Nous avons également mis en évidence grâce à des tests comportementaux, la résistance d’une espèce dominante indigène, Tapinoma nigerrimum face à l’invasion, pouvant expliquer l’hétérogénéité de la distribution des fourmis d’Argentine en Corse. Une fois introduites, elles peuvent envahir les milieux naturels et conduire à une réduction de richesse des communautés indigènes qui peut atteindre près de 80 %. Deux facteurs peuvent expliquer ce succès écologique : l’occupation de l’espace qui permet aux fourmis d’Argentine de maintenir une forte pression de compétition dans l’habitat et leur forte agressivité interspécifique qui peut se traduire par des raids sur les nids ou des colonnes de fourmis indigènes. Enfin, nous avons étudié l’effet direct de l’élimination des fourmis indigènes pour la dispersion des graines d’Anchusa crispa, plante endémique corso-sarde, rare et menacée. Les fourmis d’Argentine dispersent plus de graines que les espèces natives, diminuent la pression de prédation d’espèces granivores et semblent faciliter la germination des graines. Ces résultats montrent pour la première fois qu’une plante indigène peut tirer bénéfice de la présence de cette espèce invasive. Ce travail apporte de nombreuses données sur la biologie et l’écologie de la fourmi d’Argentine, alimente la discussion en biologie des invasions et ouvre de nouvelles pistes de recherche.