Thèse soutenue

Le réel serait passé. Le secret de l’esclavage et l’imagination de la société (Anôsy, Madagacar)

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Auteur / Autrice : Dominique Somda
Direction : Maurice Bloch
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ethnologie et Sociologie Comparative
Date : Soutenance le 08/12/2009
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Espaces, Temps, Cultures (Université Paris Nanterre)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Maurice Bloch, Jennifer Cole, Jean Schmitz, Michael Houseman, Georges Augustins
Rapporteurs / Rapporteuses : Jennifer Cole, Jean Schmitz

Résumé

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Cette thèse concerne l’obsession pour l’esclavage d’une société devenue égalitaire. Les Tanôsy du sud de Madagascar s’appliquent à constituer un univers duquel les différences entre descendants d’hommes libres, de rois et d’esclaves seraient bannies. Cela est manifeste tant dans le zèle démocratique caractéristique de leur vie politique que dans le christianisme qu’ils pratiquent avec ferveur. Sur ces scènes de l’égalité s’abolissent les anciennes discriminations. L’égalitarisme tanôsy est toutefois acclimaté par une très présente éthique de l’honneur suivant laquelle l’aspiration à l’autonomie des lignages supplante l’idéal individualiste. L’inquiétude de la honte, à son revers, est au principe de différences hiérarchiques entre groupes et individus qui furent jadis définitives mais qui sont aujourd’hui considérées comme fluides. S’ils partagent bien un idéal égalitaire, les Tanôsy participent aussi de concert au secret de l’esclavage, dispositif relationnel complexe à la configuration de savoir mouvant. L’identité des esclaves y est transmise en dépit de certaines restrictions. Les rois, en revanche, sombrent dans l’oubli, non parce qu’il serait interdit d’en parler, mais parce que ces derniers ont été transformés en héros singuliers, séparés de leur généalogies. On chercherait en vain, dans l’espace tanôsy, des lieux de mémoire pour l’esclavage ou la royauté. A la place, une appréhension suspicieuse à constitué des anti-lieux de mémoire. Ce paysage du soupçon met en rapport un arrière-monde (celui de la hiérarchie passée) et le monde des apparences (le monde de l’égalité). La cryptophilie tanôsy révèle une ontologie spécifique, duelle, plaçant en vis-à-vis la réalité visible et ses fondements invisibles. Du point de vue de cette ontologie, le secret de l’esclavage est une forme de fondation continuée, manière de refaire l’origine. De notre point de vue, le secret de l’esclavage est une manière d’imaginer la société, en coordonnant le passé et le présent.