Qu'est-ce qu'un sourd ? : de la figure au sujet philosophique
Auteur / Autrice : | Andrea Benvenuto |
Direction : | Patrice Vermeren |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Soutenance en 2009 |
Etablissement(s) : | Paris 8 |
Mots clés
Résumé
Du paradigme aristotélicien, qui pose la parole articulée comme distinction entre l'homme et l'animal, aux controverses entre rationalistes et sensualistes au XVIIIe siècle, le sourd-muet des philosophes a diversement inspiré les pédagogues de sourds jusqu'à l'abbé de l'Épée. La perspective aristotélicienne subit un renversement au siècle des Lumières. En témoigne la "Lettre sur les sourds et muets" de Diderot : le recours à la langue des sourds subvertit l'ordre qui contraint l'homme à un rapport prédéterminé au monde de la connaissance. Depuis la Révolution française, l'éducation des sourds, affaire publique, concerne une communauté de citoyens. Tout au long du XIXe siècle, la médecine de l'oreille se développe sur le terrain de l'enseignement des sourds et de moyen, la parole devient une fin. Figure philosophique, le sourd se mue en analyseur anthropologique définissant les contours de l'humain en termes de normal et de pathologique. C'est dans un rapport à un milieu de vie (Canguilhem) que la surdité se construit comme anormalité et pathologie à soigner, et comme différence culturelle et linguistique. Avec le sociologue Bernard Mottez, le concept de rapport devient central : la surdité est une expérience partagée. Sur le plan philosophique, ce concept dénoue les liens de causalité entre surdité et ordre social et crée une indétermination d'où émerge le sujet sourd. Par la confrontation du sujet sourd au "Maître ignorant" (Rancière), le concept de rapport déplace la question de l'inclusion des sourds par la langue dans la communauté des citoyens vers celle de l'inclusion irréductible des êtres humains, sourds ou entendants, dans la communauté des égaux.