Thèse soutenue

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Auteur / Autrice : Lucie Bittner
Direction : Claude-Elisabeth PayriBruno de Reviers
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Systématique et évolution
Date : Soutenance en 2009
Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Jury : Président / Présidente : Bernard Kloareg
Rapporteurs / Rapporteuses : Myriam Valero, Christopher Lane, Olivier De Clerck

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Les Corallinales, algues rouges calcifiées, sont avec les coraux hermatypiques, des organismes fondateurs de l’écosystème corallien. Leur abondance et leur large répartition écologique et géographique en font un groupe d’intérêt particulier dans l’étude des milieux actuels et dans la reconstitution des paléo-environnements. Toutefois, leur étude est limitée par une α-taxonomie difficile et des techniques d’histologie lourdes. L’objectif de cette thèse a donc été de développer des outils moléculaires, d’une part pour réaliser des phylogénies moléculaires multi-marqueurs permettant de réévaluer les caractères morphologiques dans un contexte évolutif reposant sur des hypothèses testables, et d’autre part pour délimiter des ‘espèces’ par la désignation d’unités évolutives distinctes grâce à l’analyse de la diversité génétique d’un marqueur moléculaire, comme habituellement proposé dans les études de type code barre. Ces études ont bénéficié d’un large échantillonnage de Corallinales du Pacifique Sud (Vanuatu, îles Fidji, Polynésie Française (Mooréa) et Nouvelle–Calédonie). Dans une première partie, les résultats ont permis de redéfinir les frontières des Corallinales au sein des Corallinophycidae (Corallinales et Rhodogorgonales) à l’aide de séquences nucléaires (SSU, LSU, EF2). L’ordre des Sporolithales a été créé pour la famille des Sporolithaceae, constituant une troisième lignée au sein des Corallinophycidae, caractérisée par des tétraspores cruciées. Les relations phylogénétiques au sein des Corallinales ont ensuite été réévaluées à l’aide de quatre marqueurs moléculaires (SSU, LSU, CO1, psbA). La monophylie des deux familles actuellement reconnues au sein des Corallinales, les Corallinaceae et les Hapalidiaceae, a été confirmée, de même que la monophylie de trois des quatre sous-familles reconnues au sein Corallinaceae (les Corallinoideae, les Lithophylloideae et les Metagoniolithoideae). La quatrième sous-famille de Corallinaceae en revanche, les Mastophoroideae, est apparue formée de quatre lignées distinctes. Pour établir la monophylie des Mastophoroideae, celle-ci a été restreinte aux genres Mastophora, Metamastophora, et, peut-être Lithoporella. Le genre Hydrolithon est aussi apparu non monophylétique, constitué d’une lignée contenant l’espèce type du genre, H. Reinboldii et d’une autre lignée comprenant H. Onkodes qui était auparavant l’espèce type du genre Porolithon. Le genre Porolithon a été rétabli, et il comprend des corallines au thalle monomère ayant des trichocytes disposées en rangées horizontales. De plus, les analyses phylogénétiques réalisées dans cette étude révèlent de la diversité cryptique chez plusieurs taxons, en particulier les genres Mesophyllum et Neogoniolithon. Dans la deuxième partie, un grand nombre de Corallinales a été analysé (le nombre de Corallinales récoltées au cours de cette thèse s’élève à plus de 830 spécimens) dans l’optique d’essayer de trouver une méthode fiable pour en évaluer la diversité réelle. Ces aspects sont essentiels pour la gestion et la conservation des écosystèmes. Deux marqueurs (la partie du gène CO1 traditionnellement recommandée comme code barre ADN et le gène psbA) ont été amplifiés et séquencés puis des méthodes de délimitation d’unités évolutives génétiques ont été utilisées afin d’estimer le nombre d’espèces de l’ensemble de notre échantillonnage. Deux méthodes publiées ont été utilisées, ainsi que deux méthodes supplémentaires, développées dans le cadre de cette thèse. En outre, des jeux de données simulées, ainsi que d’autres jeux de données d’algues rouges disponibles sur GenBank ont été étudiés. Le nombre de d’unités évolutives désignées varie en fonction de la méthode utilisée, en fonction du marqueur moléculaire étudié, et en fonction de la localité échantillonnée. Dans les rares cas où le même nombre d’unités évolutives est trouvé aussi bien avec le marqueur CO1 qu’avec le marqueur psbA, seuls 27,5% de ces unités présentent une composition identique. Ces résultats révèlent des propriétés de coalescence différentes entre le génome plastidial et le génome mitochondrial chez les Corallinales et posent le problème du choix arbitraire du marqueur lors d’une étude exploratoire de délimitation d’unités évolutives. De plus, une incongruence forte a été détectée entre les arbres de CO1 et de psbA, suggérant ainsi un événement d’hybridation ou de recombinaison. Des analyses supplémentaires ont montré que sur les histogrammes de fréquence de diversité génétique il semble possible de délimiter des unités évolutives distinctes à une échelle locale, mais qu’il ne s’agit que d’un artefact d’échantillonnage. Enfin, nos données mettent en évidence la capacité de dispersion sur de longues distances des Corallinales dans le Pacifique Sud (à plus de 6 300 kilomètres de distance, entre les îles Fidji et les Philippines). Ce manuscrit de thèse s’achève par une réflexion générale sur la démarche des taxinomistes lors de leur exploration de la biodiversité en fonction des concepts espèces qu’ils emploient. De nouvelles perspectives de travail sont proposées pour les futures études sur les Corallinales, incluant notamment des efforts particuliers de recherche sur les processus évolutifs à l’origine de la diversité de cette lignée.