Thèse soutenue

Analyse du rôle économique du crédit coopératif

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Auteur / Autrice : Nazik Beishenaly
Direction : Guy BensimonTamara Djoldosheva
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences économiques
Date : Soutenance en 2009
Etablissement(s) : Université Pierre Mendès France (Grenoble ; 1990-2015) en cotutelle avec Université nationale du Kirghizstan

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Les institutions du crédit coopératif sont devenues aujourd'hui des acteurs majeurs des marchés bancaires et financiers dans beaucoup de pays. Cependant malgré leur statut juridique et leur évolution historique distincte, leur rôle spécifique dans le contexte moderne semble s'estomper. En effet, depuis les années 1980, les marchés financiers subissent des transformations majeures en raison de l'effet conjugué de l'ensemble des facteurs liés aux phénomènes de globalisation, de libéralisation des flux de capitaux, des politiques non-interventionnistes, de nouvelles règles prudentielles, du progrès technique dans le métier bancaire et des nouvelles stratégies des institutions financières. Dans ce contexte, les coopératives de crédit, dont le métier était essentiellement celui de banque de détail à des secteurs particuliers de l'économie, se trouvent devant une nécessité de s'adapter au monde moderne sans l'appui de l'Etat et de trouver leur place dans la nouvelle économie. D'une part, ceci ouvre aux coopératives de crédit davantage de libertés quant aux possibilités d'élargissement de leurs activités vers celles d'une banque universelle. D'autre part, elles doivent désormais compter sur elles-mêmes et sur leurs ressources internes pour faire face aux impératifs du marché libre. Cette situation conduit les coopératives de crédit à se retrouver devant une alternative complexe : soit se démutualiser et banaliser leurs activités en devenant des banques commerciales; soit maintenir leur caractère coopératif en réduisant l'échelle de leurs activités et en prenant le risque de disparaître sous la pression de la concurrence. Aujourd'hui, les stratégies de la plupart des coopératives de crédit se rapprocheraient davantage de la première alternative car elles se transforment au fur du temps en grands holdings composés d'un volet "coopératif" et d'un volet "capitalistique". Il se créée alors une dichotomie entre leur forme coopérative et leurs activités commerciales qui pose la question de l'existence d'une différence réelle quant au rôle économique des banques commerciales et des coopératives de crédit. L'existence de la particularité coopérative pourrait justifier les besoins en crédit coopératif et légitimer le statut coopératif des institutions bancaires. L'objectif de ce travail consiste en la recherche de la légitimité de l'institution du crédit coopératif dans l'environnement moderne par une analyse du rôle économique et des facteurs de développement des coopératives de crédit depuis leur émergence jusqu'à nos jours. Notre travail est organisé autour de six chapitres. Dans notre premier chapitre nous nous interrogeons sur les fondements théoriques et doctrinaux du crédit coopératif. Celui-ci étant traditionnellement considéré comme un système issu des idées associationnistes-coopératistes et comme appartenant au domaine de l'économie sociale, nous examinerons la place attribuée du crédit coopératif au sein de ces approches. Celles-ci n'évoquent que très peu les coopératives de crédit, contrairement aux autres formes coopératives, les coopératives de production et de consommation. Si le crédit coopératif a été écarté des projets de ces doctrines, qui prônent l'instauration d'un système alternatif au capitalisme, c'est probablement parce que, en général, il est pensé par les économistes comme une partie du système capitaliste, permettant aux ouvriers d'accéder à la propriété du capital. Le deuxième chapitre sera alors consacré à l'analyse de leur émergence et des premières années de leur développement. Pour cela, nous parcourrons différents pays afin d'identifier les éléments importants et les caractéristiques communes aux stades de l'émergence de ces structures. A travers cette étude, nous identifierons trois principaux modèles de développement des coopératives de crédit : le développement autonome, le développement avec l'assistance de l'Eglise et le développement avec le soutien de l'Etat. Dans tous les pays explorés, l'un de ces modèles a été prédominant. Dans le troisième chapitre, pour comprendre les principes de fonctionnement de ces trois modèles, nous analyserons trois systèmes de coopératives de crédit, respectivement aux Etats-Unis, au Québec et en France qui, à nos yeux, illustrent au mieux ces modèles. Bien que leurs origines et leurs principes de fonctionnement étaient au fond identiques, les trois formes de coopératives de crédit se sont développées de façon différente. L'autonomie relative des unions de crédit aux Etats-Unis les conduit à se développer comme des instruments de financement des besoins de consommation des ménages américains, avec une très faible présence sur le marché des entreprises. Les caisses Desjardins au Québec ont traversé des étapes variées au cours de leur histoire, mais leur modèle repose sur la coopération avec l'Eglise. Enfin, les banques coopératives françaises représentent le modèle qui a bénéficié d'un large soutien économique et politique de la part de l'Etat pendant presque un siècle. L'analyse de ces trois formes de coopératives de crédit permet de mettre en évidence les principes sur lesquels se fondent chacun des trois modèles, ainsi que les contraintes auxquelles ils se heurtent. Nous étudierons alors dans le quatrième chapitre l'évolution des ces trois modèles de crédit coopératif dans l'environnement actuel. Les nouvelles règles du marché et la pression concurrentielle font qu'ils sont confrontés d'une part aux risques de démutualisation et d'autre part aux critiques sur l'inefficacité de leur organisation. Après avoir analysé les répercussions des événements récents sur ces trois formes de coopératives de crédit, nous nous intéresserons aux approches théoriques traitant les problèmes nouveaux de ces institutions. Ces approches recouvrent deux grands axes. L'un critique ces institutions en s'appuyant sur la théorie des coûts de transaction, la théorie d'agence et la théorie de droits de propriété. Il fait ressortir l'inefficacité organisationnelle et commerciale des coopératives de crédit. L'autre réagit à ces critiques en cherchant à prouver l'efficacité des coopératives du fait des avantages qui leur sont inhérents et qui sont liés à leur particularité d'organisation coopérative. Nous estimons cependant que ces approches se focalisent essentiellement sur les aspects organisationnels du problème des coopératives de crédit en délaissant les questions liées à leurs activités bancaires proprement dites. Le cinquième chapitre sera alors dédié à l'étude de l'efficacité coopérative de ces institutions en termes de leurs activités et du service rendu à leurs sociétaires. Ce service consiste principalement à financer des catégories sociales ayant des difficultés d'accès au financement du fait de leur appartenance à un groupe d'emprunteur jugé risqué par les banques. Dans le cadre des débats théoriques sur le rationnement du crédit, nous vérifierons, à l'aide des informations financières disponibles, si les établissements de crédit coopératifs bénéficient réellement d'un positionnement spécifique sur les marchés des PME, des agriculteurs, des structures coopératives et de certains particuliers, qui constituent la clientèle historique des coopératives de crédit. Il apparaîtra clairement que les coopératives de crédit ont développé une meilleure capacité à réduire le rationnement du crédit mais qu'il y a une tendance à la baisse de leurs activités de prêt à ces segments rationnés. Enfin, en guise de bilan de notre recherche, nous proposerons dans le sixième chapitre un modèle d'analyse qui étudie les coopératives de crédit comme un système ayant une structure coopérative et une fonction d'offre de crédit. Il met en évidence l'impact à la fois des principes coopératifs et du soutien extérieur sur les processus décisionnels concernant l'objectif de "service rendu au sociétaire". Ce modèle cherche à compléter les enseignements sur les coopératives de crédit par une démarche de quantification des aspects qualitatifs des coopératives de crédit et permet de faire émerger une vue d'ensemble sur leur organisation coopérative et leur fonctionnement bancaire.