Thèse soutenue

Les matières colorantes au début du paléolithique supérieur : sources, transformations et fonctions

FR
Auteur / Autrice : Hélène Salomon
Direction : Jean-Michel GenesteMichel Menu
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Préhistoire
Date : Soutenance le 22/12/2009
Etablissement(s) : Bordeaux 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences et Environnements (Talence, Gironde ; 1999-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (Talence)
Jury : Président / Présidente : Jacques Jaubert
Examinateurs / Examinatrices : Francesco D'Errico
Rapporteurs / Rapporteuses : Marcel Otte, Pierre Bodu

Résumé

FR  |  
EN

Les matières colorantes sont des vestiges encore mal connus de nos jours. L'intérêt qu'elles suscitent tient à ce qu'elles sont susceptibles de révéler des pratiques techniques diverses et complexes, mais il tient aussi à leur forte potentialité à traduire des pratiques symboliques du fait de leur pouvoir colorant intense et des couleurs exploitées : le rouge et le noir qui sont encore aujourd'hui investis d'une forte valeur symbolique. Dans un contexte aussi particulier que celui de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur, ces vestiges ont été mis au jour en abondance et demandent à être analysés pour restituer les modes de vie des derniers hommes de Neandertal. C'est sur le gisement châtelperronien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), fouillé de 1949 à 1963 par André Leroi-Gourhan, que les nombreuses matières colorantes découvertes ont conduit à échafauder des théories concernant leurs transformations et leurs utilisations qui méritaient d'être éprouvées. En effet, il est supposé, depuis leur découverte, qu'elles ont fait l'objet d'un chauffage contrôlé qui visait à en modifier la couleur, le chauffage permettant de transformer les matières colorantes jaunes en orangées, en rouges et en violacés. De cette hypothèse découle la théorie selon laquelle les Néandertaliens ont exploité les matières colorantes en tant que pigment pour des réalisations symboliques, voire d'ordre esthétique, ce qui n'a pas encore pu être prouvé. Notre étude, fondée sur le croisement des données issues des analyses de la nature physico-chimique et pétrographique des assemblages de matières colorantes, mais aussi sur leur intégration dans le gisement, en association avec des structures d'habitat dont la conservation est exceptionnelle, et sur une série d'expérimentations visant à caractériser les poudres obtenues par différents moyens (broyage et concassage d'une part, abrasion d'autre part) ont permis de définir les choix techniques qui ont présidé à l'approvisionnement en matières colorantes dans tous les niveaux d'occupation châtelperroniens de la grotte du Renne. Il a ainsi été possible de démontrer qu'aucune des matières colorantes, rouges ou noires, n'a fait l'objet d'un chauffage préalablement à son utilisation, bien au contraire de ce qui avait été supposé jusqu'ici. Ces matières colorantes ont fait l'objet d'un approvisionnement raisonné auprès de formations géologiques affleurant ponctuellement à plus de 10~km et à environ 5~km de la grotte. L'exploitation de ces gîtes de matières premières colorantes a été la même durant toute la séquence châtelperronienne et s'est orientée préférentiellement vers des matériaux que l'on peut aisément réduire en poudre. Une partie était grossièrement réduite en poudre afin de recouvrir de grandes surfaces (sols, peaux de bêtes) dans le but de les assainir, alors qu'une autre partie des matières colorantes était destinée à des activités plus minutieuses nécessitant leur emploi sous forme d'une poudre fine, régulière et extrêmement colorante. Dans ce dernier cas, les Néandertaliens de la grotte du Renne ont entrepris d'exploiter ces produits en association avec le travail des matières osseuses (os et ivoire de mammouth) mais aussi pour leur couleur. L'assemblage des matières colorantes de la grotte du Renne révèle un profond ancrage des connaissances et de la compréhension des multiples propriétés et qualités des matières colorantes intensément mises à profit de telle sorte que le gisement châtelperronien était tout de rouge et noir et la chaîne opératoire qu'il été possible de restituer relève d'inventions techniques abouties, très élaborées dans leur genre pour l'état des observations ingénieuses, des découvertes et donc de la pensée qu'elles supposent et des capacités dont elles témoignent.