Thèse soutenue

Contribution à l'étude juridique des dérivés

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Auteur / Autrice : Antoine Gaudemet
Direction : Hervé Synvet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Droit privé
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Paris 2

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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L’importance économique des dérivés n’est plus à démontrer, mais leur analyse juridique reste parcellaire. Cette étude se propose d’y remédier. Elle repose sur l’hypothèse que les dérivés ont pour objet de transférer le risque associé à la valeur d’une chose dans le futur, sans la chose elle-même. À partir de cette hypothèse, les origines juridiques des dérivés peuvent être identifiées. Ces instruments reposent alternativement sur le procédé du terme suspensif, de la promesse unilatérale de contrat ou de l’accord de reprise interne ; ce qui permet ensuite de les soumettre à une classification. Les dérives identifiées et classées, la recherche de leur identité juridique devient possible. Elle fait apparaître que ces instruments constituent, non pas seulement une communauté de contrats unis par l’objet, mais également une catégorie autonome reposant sur un procédé singulier. Les dérivés ont pour objet d’abstraire la valeur d’une chose sous-jacente pour permettre aux parties d’y exposer leurs espérances ou leurs craintes sur l’avenir. Ce procédé permet de les distinguer des autres contrats qui ont semblablement pour objet de transférer le risque associé à une chose, sans la chose elle-même, comme le contrat d’assurance ou les garanties du paiement. Dans le même temps, il fournit un principe et des règles au droit positif : les dérivés doivent demeurer essentiellement indifférents à la nature et au régime de la chose sous-jacente sur laquelle ils reposent. Instruments de transfert de risque, les dérivés sont aussi une source de risque pour les parties et, au-delà, pour les tiers qui sont en relation avec elles. La partie qui transfère un risque à son cocontractant peut n’être pas réellement exposée à ce risque, c’est-à-dire spéculer sur la survenance d’un événement aléatoire. De même, le cocontractant qui se charge du risque transféré peut n’être pas en mesure de l’assumer comme celui qui le lui transmet. Quant au résultat, la défaillance de l’une des parties dans l’exécution de ses obligations pourra entraîner celle de plusieurs autres personnes en relation directe ou indirecte avec elle. En présence de dérivés, le risque de contrepartie mute en « risque de système », c’est-à-dire en risque pour le système financier tout entier. La protection des parties peut être recherchée dans le droit commun. Au stade de la formation des dérivés, la menace de la sanction a posteriori des vices du consentement ne suffit pas à elle seule à garantir l’intégrité de l’échange des consentements des parties : des mesures préventives sont indispensables, sous la forme d’incapacités et d’une information précontractuelle étendue. Au stade de l’exécution, le risque de contrepartie né des dérivés, en plus d’être généralement indéterminé, est susceptible de passer d’une tête sur une autre pendant le cours du contrat. Cette situation inhabituelle a conduit la pratique à développer des garanties réelles originales désignées sous le nom de « collatéral », qui font une large place à la technique fiduciaire et aux mécanismes d’ajustement de l’assiette. Une autre forme de protection des parties, d’origine légale celle-là, peut enfin être recherchée dans la soumission de la conclusion des dérivés à un régime de monopole. La protection des tiers, en revanche, passe par des solutions plus originales. Elle repose sur un mécanisme conventionnel de « résiliation-compensation », qui combine droit de résiliation unilatéral et compensation. La compensation à laquelle il doit aboutir permet de réduire le risque existant entre les parties et, partant, le risque pour les tiers. Mais l’efficacité de ce procédé conventionnel se heurte aux règles du droit commun, en particulier aux règles du droit des procédures d’insolvabilité. Le législateur a généralement accepté de lever ces obstacles au nom de l’impératif de prévention du risque de système. Il est vrai que le système financier remplit une fonction d’intermédiation qui est d’intérêt général, de sorte que la lutte contre le risque de système peut être considérée comme une composante de l’ordre public économique de direction. Toutefois, les dérogations accordées ont été au-delà de ce qui était nécessaire à la prévention du risque de système.