L'apprentissage de la compétition pluripartisane en Algérie (1988-1992) : sociologie d'un changement de régime
Auteur / Autrice : | Myriam Aït-Aoudia |
Direction : | Bastien François |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance en 2008 |
Etablissement(s) : | Paris 1 |
Résumé
En octobre 1988, de violentes émeutes déclenchent une série de transformations politiques et de réformes institutionnelles qui aboutissent en quelques mois à la reconnaissance officielle du pluralisme partisan en Algérie (septembre 1989). Après vingt-six ans de monopole du Front de libération nationale (FLN), on observe alors un bouleversement des règles de la compétition politique: la direction militaire se retire des instances du FLN; diverses organisations politiques se constituent; les responsables de l'ancien parti-État entreprennent avec réticence de détacher les structures partisanes du pouvoir exécutif; le gouvernement et l'administration adoptent une position neutre à l'égard de l'ensemble des organisations politiques nouvellement créées ; ces dernières déploient leurs activités sans entraves ; des journaux sont créés, dont beaucoup. Sont ouvertement critiques à l'égard de la politique gouvernementale. Pour tous, le changement est considérable. Un premier scrutin pluripartisan est organisé en juin 1990, dont un nouveau parti, le Front islamique du salut (FIS), sort largement vainqueur. Pour la première fois, le FLN ne contrôle pas les Assemblées municipales et départementales. S'ensuit l'émergence de polémiques associant les organisations partisanes, le gouvernement et la direction militaire, et portant". Essentiellement sur la nature du FIS, notamment sur la confusion entre religion et politique et sur des actes de violence qui lui sont attribués, sans toutefois que ne soit demandée l'exclusion du parti islamiste du jeu politique. Les différents acteurs semblent se coordonner sans accroc majeur ; parfois cette coordination est aussi mise à l'épreuve, comme en atteste le report du scrutin législatif prévu à l'été 1991, à la suite d'échauffourées entre militants du FIS (qui investissent la rue pour contester le dernier découpage électoral) et forces de l'ordre, report qui aboutit à l'arrestation d'une partie de la direction du parti et à la proclamation de l'état de siège. Dans les mois qui suivent, la situation se stabilise: l'ensemble des acteurs manifeste une volonté de reprendre le cours normal de la compétition électorale dans les meilleurs délais. Alors que le scrutin législatif se déroule dans des conditions que personne ne conteste sur le moment, le large succès du FIS au premier tour (le 26 décembre 1991) provoque un vif débat sur l'opportunité d'annuler l'élection: soudainement le parti islamiste apparaît à beaucoup comme une menace pour la démocratie. Dans cette période d'extrême tension, le ministre de la Défense, soutenu par le gouvernement, tranche en faveur de l'arrêt du processus électoral. Le Président Chadli démissionne, remplacé par un conseil collégial, l'échéancier électoral est annulé et le FIS est dissous. Un terme est alors mis à l'expérience pluripartisane engagée moins de trois ans plus tôt.