Le temps chez Patinir, le paradoxe du paysage classique
Auteur / Autrice : | Paul Dupouey |
Direction : | Frank Muller |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire moderne |
Date : | Soutenance le 17/05/2008 |
Etablissement(s) : | Nancy 2 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langages, Temps, Sociétés (LTS) (Nancy ; 1992-2012) |
Jury : | Président / Présidente : Daniel Payot |
Examinateurs / Examinatrices : Bruno-Nassim Aboudrar, Fernando António Baptista Pereira, Luc Serck |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Montrer le monde, serait-ce montrer le « siècle », le temps ? La présence du temps, linéaire, fleuve ou immobile, oblitère-t-elle intimement le paysage classique soit, selon Philippe Descola, « de Patinir à Lorrain » ? Une méditation sur le temps n’y serait-elle pas tout aussi présente qu’une tentative, rarement revendiquée, de représentation de la « nature », notion encore ambiguë sous la Renaissance (autant les « choses » elles-mêmes que leur essence voire leur principe actif), « terme vague » comme le constatera toujours l’Encyclopédie ? Y aurait-il un paradoxe du paysage ? Ce genre pictural est apparu concomitamment à la fin des millénarismes et à la « sécularisation », soit dans un contexte d’évolution radicale et complexe du rapport individuel ou social au temps qu’il soit symbolique, politique, historique, économique, technique ou autre, phénomène abondamment étudié par l’histoire, notamment culturelle, mais aussi l’économie, la sociologie, la théologie… Parallèlement aux deux autres grands genres, le portait avec les âges de la vie et leur psychologie ou la « nature morte » avec l’intention morale de ses « vanités », il en méditerait la dimension métaphysique, l’indétermination même de la notion de nature faisant système avec celle du temps. Cette thèse se consacre donc d’abord à une analyse de l’évolution des temporalités dans le milieu anversois et flamand à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance. Ces temporalités sont complexes voire contradictoires et ceci à un niveau potentiellement pathogène. Quant au milieu, il est caractérisé, entre autres, par une immigration particulièrement active et innovante, notamment italienne, sur le plan économique, mais aussi juive, à l’impact intellectuel et spirituel alors très fort sur cette partie du monde, tous éléments qui apparaissent d’une façon patente dans l’œuvre de Patinir (~1484 -~1524). Au-delà d’un lyrisme poétique, souvent salué, dans la représentation de la nouvelle « économie-monde », ce peintre paraît aussi exprimer une perplexité certaine devant ces temporalités et un « être au monde » sans eschatologie certaine. Sont donc ensuite proposés une identification et un examen approfondi de la symbolique du temps dans l’oeuvre de ce peintre anversois, créateur du paysage cosmique (« weltlandshaft »), premier peintre occidental reconnu comme « peintre de paysage » (Dürer : « Joachim Patinir, der gute landschaftsmaler »), même si, bien entendu, le paysage est depuis longtemps présent dans la peinture et l’ensemble des arts occidentaux, comme en Orient, mais non d’abord pour lui-même. A l’autre extrémité du cycle sont également sollicités Poussin et Lorrain qui associent le paysage à des temporalités mythologiques et/ou idéales et achèvent de lui donner ses lettres de noblesse esthétique.