Thèse soutenue

Entérovirus et thyroïde

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Auteur / Autrice : Rachel Desailloud
Direction : Didier Hober
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé. Endocrinologie
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Lille 2

Résumé

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La thyroïdite lymphocytaire chronique est l'une des pathologies autoimmunes les plus fréquentes. Les facteurs génétiques et environnementaux tels que les virus semblent impliqués dans leur survenue. Les entérovirus, virus impliqués dans d'autres pathologies autoimmunes, sont des candidats séduisants. Le rôle des entérovirus et notamment celui des coxsackievirus B4, virus nus à ARN positif, dans la pathogenèse du diabète de type 1 est suspecté. Il est fréquent d'observer chez les patients diabétiques de type 1 une thyroïdite lymphocytaire chronique. Dans ce contexte, nous avons émis l'hypothèse du rôle des virus dans la survenue de l'auto-immunité thyroïdienne. Peu d'études ont été réalisées dans ce domaine et le présence d'entérovirus au sein de tissus thyroïdiens n'a jamais été décrite. Première partie : étude in vivo objectif: Rechercher la présence d'ARN entéroviral dans des prélèvements de tissu thyroïdien avec et sans infiltrat lymphocytaire, l'infiltrat étant le marqueur histologique des thyroïdites. Méthodes: 86 patients adressés pour thyroïdectomie ont été prélevés. Les prélèvements thyroïdiens étaient réalisés et congelés à 80°C par le service d'anatomopathologie. Les données cliniques, biologiques, histologiques ont été recueillies. La recherche d'ARN viral était réalisée par RT-PCR en temps réel. Résultats: La recherche d'ARN entéroviral est positive (moins de 36 cycles) ou faiblement positive (de 37 à 39 cycles) chez 22 patients. La recherche d'ARN entéroviral est positive ou faiblement positive chez 5/27 (18. 5%) des prélèvements avec infiltrat lymphocytaire versus 17/59 (29%) des prélèvements sans infiltrat lymphocytaire (P= 0. 4). La recherche d'ARN entéroviral est positive ou faiblement positive chez 3 des 11 patients (27. 3%) diagnostiqués thyroïdites versus 18 des 74 patients ayant un diagnostic anatomopathologique autre (goître multinodulaire, adénomes ou carcinome) (p=0,5). Aucune corrélation n'a été mise en évidence entre la présence d'entérovirus et la positivité des anticorps anti-TPO. Conclusion: Nous montrons ici pour la première fois que l'ARN entéroviral est présent dans les prélèvements de tissus thyroïdiens mais sans relation avec la présence d'un infiltrat lymphocytaire. Des études complémentaires sont nécessaires afin d'évaluer le rôle de ces virus dans les pathologies thyroïdiennes. Deuxième partie : étude in vitro Objectifs : étudier in vitro l'infection de thyrocytes par coxsackievirus B4E2 (souche diabétogène) et évaluer les conséquences de l'infection sur la viabilité et la fonctionnalité des cellules. Méthodes : la culture des thyrocytes de la lignée de carcinome papillaire K1 est réalisée en plaques de 24 puits à raison de 5. 105 cellules par puits. A 24 h, les thyrocytes sont infectés avec la souche CVB4E2. Les virus sont laissés en contact 3 jours au-delà desquels le milieu est régulièrement renouvelé. La progénie virale est déterminée à J1, J3, J6, J13, J21. P. I. Par l'obtention d'une infection des cellules HEp-2 and Vero par l'addition des surnageants de culture et quantifiée par la méthode TCID50. L'infection des cellules est étudiée au niveau moléculaire par la recherche d'ARN viral positif (+) et négatif (-) (intermédiaire de réplication) à l'aide de la RT-PCR et par la recherche de la protéine de capside VP1 par immunofluorescence indirecte. La viabilité des cultures est évaluée à l'aide d'une méthode reposant sur l'incorporation de MTT. Des cellules K1 non infectées servent de contrôle. Résultats : Il n'y a pas d'effet cytopathogène spécifique visible au microscope optique dans les cultures de cellules K1 infectées. L'infection des cellules est productive avec un titre viral maximal à J1 pour décroître ensuite progresivement et se négativer à J21. La détection d'ARN + et d'ARN est positive avec une prédominance d'ARN- détecté pendant toute la durée de la culture jusque J21 post-infection. Le nombre de cellules VP1+ diminue rapidement de J1 à J6 (280 cellules par puits à 110 cellules à J3 11 cellules à J6 dans une expérience représentative. La fixation VP1 est aussi observée dans des fragments cellulaires. Les viabilités à J3 J6 J14 J21 des cultures de cellules contrôles et de cellules infectées sont comparables. Cependant les thyrocytes infectés d'aspect polygonal en début de culture acquièrent un aspect différent avec des prolongements à type de ramifications cytoplasmiques. La coloration par Hoechst Dye permet d'observer des images d'apoptose à type de noyaux fragmentés et de fluorescence intense. Conclusion : Le virus se multiplie dans notre modèle de thyrocytes (lignée K1) dans les premiers jours de culture (ARN+/ARN- et VP1) puis persiste dans les cellules pendant toute la durée de l'étude (21 jours) sous forme ARN avec prédominance d'ARN négatif. Le virus n'altère pas la viabilité de la culture. Nous montrons pour la première fois que l'infection à CVB4 de thyrocytes est possible. L'étude de l'infection et de ses effets dans les cellules thyroïdiennes est à poursuivre car ils pourraient jouer un rôle dans la survenue des pathologies autoimmunes