Apport de la Théorie des cadres relationnels à l'étude des troubles de la Théorie de l'esprit dans la schizophrénie et l'anhédonie sociale
Auteur / Autrice : | Matthieu Villatte |
Direction : | Estève Freixa I Baqué |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Soutenance en 2008 |
Etablissement(s) : | Amiens |
Mots clés
Résumé
Le concept de Théorie de l’Esprit a été proposé pour désigner la capacité à attribuer un état mental. Différents modèles du fonctionnement de cette compétence ont été proposés au sein de la psychologie cognitive et des neurosciences, qui ont été les premières à étudier cette thématique. La Théorie des Cadres Relationnels (TCR), qui constitue une nouvelle approche comportementale dans l’étude du langage et de la cognition, a récemment proposé un modèle en termes de réponses relationnelles déictiques soutenant les habiletés de prise de perspective, qui seraient, elles-mêmes, au cœur de la capacité à attribuer un état mental. Ces réponses relationnelles particulières seraient apprises au cours des interactions sociales. Par ailleurs, un trouble de la Théorie de l’Esprit a été observé, dans de très nombreuses recherches, chez les personnes atteintes de schizophrénie. Certaines études suggèrent que ce dysfonctionnement repose sur une altération spécifique de la simulation allocentrique (adopter la perspective d’autrui sur un objet), tandis que la simulation égocentrique (imaginer une modification de la position d’un objet depuis son point de vue actuel) serait préservée. L’anhédonie sociale, qui correspond à un faible intérêt pour les relations sociales, constitue une caractéristique de la schizotypie et de la schizophrénie. En entraînant une réduction de l’expérience des interactions sociales, ce désintérêt pourrait être, en partie, responsable des troubles de la Théorie de l’Esprit dans la schizophrénie. L’objectif de la présente recherche est de mettre à l’épreuve le modèle de la TCR, ainsi que les hypothèses d’un trouble de la Théorie de l’Esprit dans l’anhédonie sociale et d’un défaut spécifique de l’adoption du point de vue d’autrui dans la schizophrénie. Quatre tâches expérimentales (une tâche classique de Théorie de l’Esprit, deux tâches de réponses relationnelles déictiques et une tâche de prises de perspective visuelle) ont été employées auprès de 30 participants présentant un niveau élevé d’anhédonie sociale et de 15 patients atteints de schizophrénie, ainsi qu’auprès de participants témoins. Les résultats révèlent des performances plus faibles chez les participants présentant un niveau élevé d’anhédonie sociale par rapport à celles des témoins à la tâche de Théorie de l’Esprit et aux niveaux de complexité relationnelle les plus élevés des tâches de réponses relationnelles déictiques. Des performances amoindries apparaissent également à la tâche de prises de perspective visuelle lorsqu’un changement de perspective est requis. Chez les patients atteints de schizophrénie, les troubles sont encore plus marqués aux quatre tâches expérimentales. Certains éléments sont en faveur d’un trouble spécifique de l’adoption du point de vue d’autrui dans l’anhédonie sociale, mais pas dans la schizophrénie. Des liens de corrélation apparaissent entre les performances aux tâches de réponses relationnelles déictiques et celles obtenues à la tâche de Théorie de l’Esprit. Les données de cette recherche confortent le modèle de la TCR en montrant que deux populations touchées par des troubles de l’attribution d’états mentaux présentent également des performances altérées en répondant en relation avec les cadres déictiques. Le trouble constaté aux prises de perspective visuelles indique que ces difficultés ne concernent pas seulement l’attribution d’états mentaux, mais le changement de perspective en général. Enfin, l’anhédonie sociale pourrait jouer un rôle-clé dans le développement des troubles de la Théorie de l’Esprit et, plus particulièrement, de la difficulté à attribuer un état mental à autrui chez les personnes atteintes de schizophrénie.