Phylogéographie et génétique des populations des Mytilidae de l'archipel des Kerguelen : influence de l'environnement austral sur les capacités de dispersions
Auteur / Autrice : | Karin Gérard |
Direction : | Jean-Pierre Féral, Anne Chenuil |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Biosciences de l'environnement |
Date : | Soutenance en 2008 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille 2 |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Océanologie (Marseille) |
Mots clés
Résumé
L’océan austral connecte les terres émergées de la zone tempérée à froide de l’hémisphère sud. Cet océan est caractérisé par la présence de plusieurs systèmes frontaux et surtout du courant circumpolaire. L’établissement de ce courant date de l’ouverture du passage de Drake entre l’Amérique du Sud et la péninsule Antarctique, et est responsable de la dispersion de nombreuses espèces d’invertébrés marins à travers l’océan Austral. L’archipel des Kerguelen se situe dans le secteur indien de l’océan Austral. Il est isolé de tout continent par des barrières bathymétriques, géographiques et océaniques. Deux espèces de Mytilidae sont présentes à Kerguelen, Aulacomya ater regia et Mytilus desolationis. Ces deux espèces ont une phase larvaire planctonique de plusieurs semaines, qui leur confère un potentiel de dispersion supposé fort. La localisation de l’origine génétique de ces deux espèces permet de déterminer, si elles sont réellement isolées des autres populations australes. L’influence de l’environnement sur leur potentiel de dispersion est aussi analysé à l’échelle de l’océan Austral, puis, pour Mytilus seulement, à plus petite échelle sur les côtes de l’archipel des Kerguelen. Le genre Aulacomya est un genre typiquement austral dont les plus anciens fossiles datent de l’Eocène moyen et se situent sur la péninsule Antarctique et en Patagonie. Actuellement, deux espèces sont reconnues au sein de ce genre : Aulacomya maoriana en Nouvelle-Zélande et A. Ater en Amérique du Sud et en Afrique du Sud, avec cependant la sous-espèce A. Ater regia à Kerguelen. L’analyse de cinq échantillons australs au locus mitochondrial 16S, révèle trois entités génétiquement différenciées dont l’une, correspondant aux populations de Nouvelle-Zélande, diverge de 7% des deux autres représentées d’une part, par les populations d’Afrique du Sud et d’autre part par les populations de Patagonie et de Kerguelen. La proximité de ces deux dernières populations pourrait s’expliquer par un flux génique permis par le courant circumpolaire. Les moules du complexe d’espèces Mytilus edulis ont une distribution antitropicale. L’origine du genre Mytilus se situe dans le Pacifique Nord, il y a environ 4 millions d’années. Dans l’hémisphère nord, il existe trois taxons génétiquement différenciés (M. Edulis, M. Galloprovincialis, M. Trossulus) malgré l’existence de zones d’hybridation. Dans l’hémisphère sud, d’après certains critères morphologiques et les données de marqueurs nucléaires, les populations d’Amérique du Sud et de Kerguelen sont attribuées à M. Edulis et celle d’Australasie à M. Galloprovincialis, suggérant ainsi deux migrations trans-équatoriales. L’analyse des locus mitochondriaux COI et 16S, révèle l’existence d’une lignée australe constituée de trois clades (Amérique du Sud et Kerguelen, Tasmanie, Nouvelle-Zélande), suggérant une unique migration trans-équatoriale. Afin de réconcilier les données nucléaires et mitochondriales, plusieurs hypothèses phylogéographiques sont discutées. La différenciation génétique des Mytilus de l’archipel des Kerguelen, est ensuite analysée à l’aide d’un marqueur mitochondrial (COI) et de deux marqueurs nucléaires, un intron supposé neutre et un exon. Seul l’exon révèle une différenciation génétique des échantillons issus des côtes Nord, Sud et du golfe du Morbihan (enclave aux conditions hydrologiques particulières). A l’échelle de l’archipel, la différenciation génétique peut être reliée à l’hydrologie. Cependant, la recherche d’association entre la différenciation génétique à petite échelle et plusieurs variables environnementales qualitatives, a surtout montré l’influence de la localisation géographique et dans une moindre mesure, du mode d’exposition du site de récolte, sans pour autant identifier la source de cette différenciation. Chez les deux genres de Mytilidae, les généalogies mitochondriales prouvent l’origine commune des populations de Patagonie et de Kerguelen, et suggèrent l’influence du courant circumpolaire sur la dispersion larvaire. Cependant, la différenciation des populations de Mytilidae n’est pas toujours imputable aux courants marins, ce qui suggère l’influence de la sélection naturelle et de l’adaptation locale.