Les voies de la suspicion à travers l’oeuvre romanesque de Sony Labou Tansi
Auteur / Autrice : | Martine Le Moigne-Euzenot |
Direction : | Jacques Chevrier |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature et civilisation africaines |
Date : | Soutenance en 2007 |
Etablissement(s) : | Paris 4 |
Mots clés
Résumé
Les voies de la suspicion sont celles ouvertes par l’écrivain congolais Sony Labou Tansi au travers de son oeuvre et plus particulièrement de ses six romans publiés. Elles sont incertaines parce que les mots pour les tracer sont si précis qu’il y a de quoi se perdre à force de trop de renseignements ou de trop de personnages. La difficulté à les déchiffrer vient surtout de ce que les mots pour les désigner portent souvent en eux-mêmes leur propre démenti. Ils disent et ne disent pas. Le lecteur est dérouté, interloqué au point qu’il peut se demander s’il est ou non un bon lecteur. Lire Sony Labou Tansi n’est pas confortable. « J’écris pour qu’il fasse peur en moi » dit-il, c’est ce sentiment qui désempare et place celui qui lit à la croisée des chemins. L’acte de lecture devient objet à observer, il se construit même en tant que fil narratif. Une spécularité originale se met en place. D’un autre point de vue, l’extraordinaire inventivité du conteur sert autant la violence insoutenable d’un monde voué à sa perte à cause des dictatures qui les enferment dans un temps itératif, que la subversion qui fait chanter et crier les foules. Jubilation et effroi se côtoient. Rêve et réalité se rejoignent. Toute lecture est alors lecture en va-et-vient, et celle à retenir est à chercher dans ce mouvement pourtant dangereux entre le même et son contraire. La tension qui associe réalité et fiction est celle qui semble maintenir le lecteur au bord d’un précipice où l’humaniste Sony Labou Tansi cherche néanmoins à nous éviter de tomber. Ce paradoxe ouvre la voie d’un monde à traverser pour entendre les voix qui, elles, ne sont pas suspectes parce qu’elles ne sont pas invalidées, celles qu’on lit dans des lettres, sur des pancartes et des slogans. Ces mots-là sont ceux des hommes et des femmes qui acceptent de mettre les mots au monde. Le paysage est leur berceau. Les mots sont donc des personnages à part entière, Sony Labou Tansi s’appuie sur eux tout en s’en méfiant pour raconter leur quête d’identité. L’écrivain a la charge de nommer.