Tectonique active à la jonction des plaques Afrique, Arabie et Anatolie-Eurasie (sud de la Turquie) : Caractérisation des failles et analyse de la déformation par un réseau GPS dense
Auteur / Autrice : | Sophie Ricour |
Direction : | Mustapha Meghraoui |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géophysique |
Date : | Soutenance en 2006 |
Etablissement(s) : | Université Louis Pasteur (Strasbourg) (1971-2008) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
D’un point de vue géodynamique, la Turquie se situe à l’intersection de trois principales plaques tectoniques, l’Afrique, l’Arabie et l’Eurasie et constitue une zone tectonique clef de la ceinture orogénique Alpes – Himalaya, qui s’étend de l’Espagne à la Chine. La Turquie est donc un fabuleux laboratoire naturel pour étudier la convergence liée à la collision entre ces trois plaques et les structures qui en sont la conséquence, comme les chevauchements, les failles actives et les formations associées de bassin. Trois failles majeures se rencontrent dans la province turque d’Hatay, la Faille Est Anatolienne (FEA) sénestre, la Faille de la Mer Morte (FMM) sénestre et l’Arc de Chypre, regardées respectivement comme les limites de plaques Arabie – Anatolie, Arabie – Afrique et Afrique – Eurasie. Bien que de nombreuses études s’accordent à dire, d’un point de vue cinématique, que la limite entre l’Anatolie, l’Arabie et l’Afrique forme une jonction triple au sud-est de la Turquie, la nature et la géométrie des failles qui constituent cette jonction sont toujours sources de débats, en particulier sur l’établissement d’un modèle cohérent de déformation régionale. Plusieurs questions restent donc à ce jour non résolues : quelles sont les vitesses le long des trois principaux systèmes de failles décrochants ? Quel est le rôle de chaque structure dans la déformation régionale ? Quelle est la relation entre ruptures sismiques et accumulation élastique ?. . . Pour répondre à cette problématique, il est nécessaire d’avoir une approche multidisciplinaire d’analyse de la déformation, aussi bien à court terme qu’à long terme. Deux approches ont donc été utilisées, une première de GPS et une seconde d’identification et de caractérisation des failles actives. Le champ de vitesses GPS a été déterminé à partir de 6 campagnes d’observations d’un réseau de 23 stations situées de part et d’autre des failles actives, réalisées entre 1991 et 2004. Ce champ de vitesses, exprimé dans différents référentiels tectoniquement significatifs nous a permis de contraindre précisément la déformation active à court terme des différents blocs impliqués dans la jonction triple et de déterminer les taux de glissement instantanés sur les failles. Nous avons ensuite identifié et caractérisé les failles actives, par une analyse de la déformation à long terme à l’aide de la reconnaissance géomorphologique du terrain à différentes échelles et d’une analyse détaillée de l’imagerie spatiale et des photographies aériennes, des mesures des déplacements produits par les processus tectoniques et des prospections géophysiques. L’analyse conjointe de ces résultats a permis d’élaborer un modèle cinématique de blocs de la déformation régionale. Ainsi, la complexité tectonique à la jonction triple est basée sur l’existence de blocs tectoniques dont les limites sont formées par les failles actives majeures (c’est-à-dire la FEA, la FMM, la faille sénestre de Karataş – Osmaniye FKO et la faille sénestre de Karasu FK). L’utilisation d’un modèle de dislocation dans un demi-espace élastique, appliqué aux vitesses horizontales GPS, donne un taux de glissement de 9. 7 ± 0. 9 mm/an le long de la FEA, 5. 5 ± 1. 5 mm/an sur la FKO et 2. 5 ± 1. 0 mm/an sur la FK, vitesses en accord avec les taux de glissement à long terme donnés par la géomorphologie et la géologie. Notre étude a ainsi mis en évidence le rôle majeur du bloc anatolien à la jonction et la connexion directe des branches de la FEA (FKO et FK) avec l’Arc de Chypre. Le modèle de déformation proposé ici implique que la vallée de Karasu est liée aux mouvements décrochant sénestre de la FEA et sénestre normal de la FK, avec une composante d’extension estimée par GPS à 1. 0 ± 0. 5 mm/an. Par conséquent, cette vallée constitue un large bassin en pull-apart formé grâce au mouvement vers l’ouest du bloc anatolien et dont la géométrie indique un régime tectonique extensif local pendant le Quaternaire, attesté par les épisodes volcaniques associés. Dans ce contexte, le prolongement vers le sud-ouest de la limite Anatolie – Arabie à la jonction fonctionne comme un système transpressif sénestre, à l’intérieur duquel le large pas sénestre entre la FEA et l’Arc de Chypre forme le bassin en pull-apart de la vallée de Karasu et une déformation associée en transtension.