Thèse soutenue

Le forum et l'informe : projet et régulation publique à Alger, 1830-1860

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Auteur / Autrice : Rachid Ouahès
Direction : Jean-Louis Cohen
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Projet architectural et urbain
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Paris 8

Résumé

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Cette thèse examine les conditions de la transformation de la ville d’Alger, dans les trente premières années de sa colonisation et dans la perspective des pratiques transmises au XXe siècle. Elle tente de faire un lien entre ces pratiques urbanistiques et les idéologies politiques qui les sous-tendent, en mettant en lumière la dimension réactive de celles-ci, dans le contexte libéral du régime de la Monarchie de Juillet. En se basant sur les concepts avancés notamment par Michel Foucault, Gilles Deleuze et Félix Guattari, à partir du contexte de la décolonisation, elle réexamine certains aspects de son histoire du point de vue des politiques et de l’esthétique urbaines, liés aux réflexes de déterritorialisation et à l’ouverture d’un champ expérimental outrepassant les résistances sociales et culturelles du contexte métropolitain. Avec l’exportation des pratiques d’organisation et de contrôle du territoire, le mouvement colonial a également exacerbé les conflits entre les sensibilités libérale et étatique, qui ont dominé le champ de sa culture et de sa politique jusque dans l’entre-deux-guerres. Les expériences des protectorats du Maroc et de Tunisie au tournant du XXe siècle éclairent comparativement la dimension libérale donnée terrain algérois, ainsi que la résistance de certaines institutions étatiques et militaires attachées aux principes développés depuis les Lumières et sous l’Empire, notamment dans les corps du Génie militaire et des Ponts et Chaussées. L’érection au centre de la ville pré-coloniale, de la place du Gouvernement, sur des fondements spéculatifs, est le premier épisode du conflit durable qui s’installera dans les opérations d’alignement des rues, de rénovation des bâtiments publics ou d’extension à l’extérieur des remparts, et gardera une pertinence jusque dans les années 1950. Les dimensions politique et esthétique de cette opposition sont révélées par l’attribution fautive de la conception du Front de mer d’Alger à l’architecte Chassériau, dans un geste de défense du « municipalisme » et dans une conception libérale de l’art qui a des origines dans la distinction entre « monuments » et « documents » et aux questionnements de la période romantique, relatifs à l’entreprise coloniale. La notion d’ « informe » que Georges Bataille développera dans le même temps, en réaction, à cette conception de l’art, est ainsi éclairée par l’irruption de la sphère coloniale dans la culture classique occidentale.