Dysfonctionnement immunitaire dans l'alexithymie : une approche psychoneuroimmunologique de l'alexithymie au travers d'une étude longitudinale
Auteur / Autrice : | Olivier Guilbaud |
Direction : | Maurice Corcos |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Neurosciences |
Date : | Soutenance en 2006 |
Etablissement(s) : | Paris 6 |
Mots clés
Résumé
L’alexithymie est une entité clinique définie par un ensemble de déficits cognitifs et affectifs caractérisés par une incapacité à identifier et exprimer ses émotions, une limitation de la vie fantasmatique et une pensée à contenu pragmatique avec un mode très descriptif d’expression. En d’autres termes les sujets ayant des caractéristiques alexithymiques ont des difficultés à identifier et à exprimer le stress émotionnel par la verbalisation. L’alexithymie fut initialement considérée comme de survenue plus fréquente chez les sujets souffrants de maladies dites psychosomatiques. Certaines études ont retrouvé des anomalies du système immunitaire notamment de l’immunité à médiation cellulaire ou une hyperactivité du système sympathique ou une perturbation de la sécrétion des corticoïdes mais très peu ont essayé d’avoir une approche psychoneuroimmunologique en intégrant toutes ces voies (immunes et neuroendocrines) lors des investigations sur l’alexithymie. Les objectifs de cette thèse étaient d’explorer de manière plus approfondie le système immunitaire en tenant compte de l’activité du système sympathique et des taux sériques de cortisol. Nous avons émis l’hypothèse que les alexithymiques présenteraient une baisse de l’immunité à médiation cellulaire avec une chute de la sécrétion de cytokines de type 1 associée à une élévation des taux sériques de cortisol et une augmentation de l’activité du système sympathique. Lors d’une étude longitudinale, nous avons comparé - entre un groupe de sujets alexithymiques et un groupe de sujets non alexithymiques – les concentrations sériques des sous-populations lymphocytaires (CD4, CD8), la production de l’interleukine 1 (IL-1), de l’interleukine 2 (IL-2), de l’interleukine 4 (IL-4) et de son récepteur soluble (sIL-4R) et de l’interleukine 10 (IL-10) par les lymphocytes activés par PHA ainsi que la réponse cardiovasculaire (fréquence cardiaque et tension artérielle) et le taux sérique de cortisol. Cinquante et une femmes âgées de 18 à 27 ans ont été incluses (27 femmes alexithymiques et 24 non alexithymiques) en fonction de leur score à l’échelle de la Toronto Alexithymia Scale (TAS-20). Sur les femmes initialement vues la première année (n=38) 26 ont été incluses à un an Initialement nous avons constaté chez les alexithymiques une diminution significative de la production d’interleukine-1 (IL-1), d’IL-2, d’IL-4 produites par lymphocytes activés par Phytohemagglutinine A (PHA) ainsi que du ratio Th1/Th2 (IL-2/IL-10) avec une baisse du ratio de CD4/CD8 et du pourcentage de CD4 et de lymphocytes. Les alexithymiques présentaient une plus grande élévation de la pression artérielle sans modification du taux sérique de cortisol. Un an plus tard il y avait toujours une diminution significative chez les alexithymiques comparativement aux non alexithymiques de la production d’IL-2, d’IL-4 et du pourcentage de CD4 avec une tendance à la baisse du ratio CD4/CD8. Bien que l’anxiété était plus élevée initialement dans le groupe d’alexithymiques, les résultats persistaient à un an en dépit d’un retour à la normal du niveau d’anxiété à l’échelle HAD. Ces résultats suggèrent que les femmes alexithymiques pourraient présenter un système immunitaire affaibli avec une atteinte prédominante de la voie Th1 de l’immunité mais non exclusive. Cette dysrégulation immunitaire pourrait être liée à une hyperactivité du système sympathique. Il pourrait y avoir chez les alexithymiques un facteur de vulnérabilité aux maladies infectieuses et à celles liées au stress.