Thèse soutenue

Les abus de majorité, de minorité et d'égalité : étude comparative des droits français et nord-américain des sociétés

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Auteur / Autrice : Anne-Laure Champetier de Ribes-Justeau
Direction : Jean-Jacques DaigreAndré Tunc
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Droit privé
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Paris 1

Mots clés

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Résumé

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Les abus de majorité, de minorité et d'égalité sont une manifestation, au sein du groupement, de l'exercice du pouvoir de décision et du pouvoir de veto, à des fins personnelles et contraires à l'intérêt social. Ils génèrent des rapports conflictuels qui ne trouvent leur solution ni dans la loi, ni dans le contrat. Il revient donc au juge de les qualifier et d'en dégager les sanctions. Guidé par une vision institutionnelle de la société et un intérêt social distinct de l'intérêt des seuls associés -comme en France- ou guidé par l'intérêt des seuls associés conformément à une vision contractuelle de la société -comme aux États-Unis-Ie juge propose-t-il des solutions identiques? La présente étude tend à démontrer que les deux composantes, contractuelle et institutionnelle, de la société, sont présentes dans le raisonnement des juges français et américain dans des proportions moins déséquilibrées que ce que l'on aurait pu penser de prime abord. Pour le juge américain, la société n'est pas réductible à un contrat entièrement abandonné au libre arbitre des parties. Notamment, l'obligation fiduciaire de loyauté à la charge des majoritaires est une règle d'ordre public qui ne peut être écartée par contrat. L'intérêt du tiers au contrat de société (le «stakeholder») n'est pas moins invoqué qu'en France pour apprécier la légitimité d'une décision majoritaire ou d'un blocage minoritaire. Quant au juge français, il sait aussi adopter un raisonnement contractuel et adapter le critère de l'intérêt social, lorsque l'intérêt de l'associé, et en particulier du minoritaire, l'exige. Toutefois, la conception contractuelle de la société suscite des interrogations nouvelles : Quelle conception du contrat adopter? Le minoritaire de la société fermée, mérite-t-il, en raison d'une plus grande vulnérabilité due à l'absence de marché, une protection accrue? Aux ÉtatsUnis, des divergences existent entre les États. La plupart d'entre eux adoptent une conception «sociale» du contrat, au profit du minoritaire de la société fermée et soumettent les majoritaires à une obligation de loyauté renforcée. Sous l'influence d'une vision ultra-libérale du contrat, indissociable du principe de l'autonomie de la volonté, l'État phare du droit des sociétés, le Delaware, refuse en revanche d'accorder au minoritaire la protection ex post qu'il n'aurait pas négociée ex ante. En France, face au mouvement de la contractualisation, le point d'équilibre entre régulation par le juge et régulation par les seules forces du contrat et du marché sera difficile à déterminer. Lorsqu'on en vient aux sanctions de l'abus, deux tendances se dessinent. En France, le juge a peu de liberté de manœuvre et se heurte à des principes fondamentaux. Aux États-Unis, le juge est guidé par la recherche d'une plus grande efficacité, ce qui entraîne de nombreuses répercussions : accès à la justice facilité en raison de l'action de groupe, éventail plus large de sanctions, accès à l'exécution forcée en nature, mise en place de mécanismes de retrait. . . En ce qu'elles préparent le futur de la société, ces sanctions semblent finalement mieux adaptées à l'intérêt social.