Mécanismes de réparation du tissu cardiaque : rôle des progéniteurs cardiaques locaux et des interactions hémostase/angiogenèse
Auteur / Autrice : | Frédéric Mouquet |
Direction : | Eric Van Belle |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la vie et de la santé |
Date : | Soutenance en 2006 |
Etablissement(s) : | Lille 2 |
Résumé
L'insuffisance cardiaque demeure un problème de santé publique majeur. C'est une pathologie invalidante et mortelle, dont la fréquence augmente et continuera d'augmenter avec l'âge. L'étiologie la plus fréquente en est la coronaropathie, qui aboutit, au fil d'événements aigus intercurrents, au développement d'une insuffisance cardiaque. A ce jour, des avancées thérapeutiques majeures on été réalisés sur la prévention et la prise en charge de l'insuffisance cardiaque. Cependant, aucun traitement ne permet actuellement de régénérer le muscle cardiaque afin de restaurer de manière directe la fonction myocardique. De nombreux modèles ont été développés dans le but d'étudier le potentiel des thérapies cellulaires, ou des thérapies géniques pour respectivement réparer le tissu cardiaque ou en améliorer la vascularisation en stimulant l'angiogenèse. Le but de ce travail est de mieux comprendre certains mécanismes de réparation tissulaire cardiaque suite à l'agression que représente l'ischémie puis la nécrose myocardique. Nous nous sommes plus particulièrement intéressé à 2 acteurs de la réparation du tissu cardiaque : les progéniteurs locaux, et l'angiogenèse. Dans un premier temps nous avons étudié l'implication de cellules souches cardiaques endogènes dans les suites immédiates de l'infarctus du myocarde (IDM). Actuellement, les travaux de thérapie cellulaire cardiaque sont basés, pour la majorité, sur l'utilisation de cellules mononucléées autologues d'origine médullaires au sein desquelles résident des cellules souches. Ces cellules médullaires sont détournées de leur fonction première qui est d'assurer l'hématopoïèse. Elles sont dans un premier temps prélevées de leur site physiologique (la moëlle osseuse), puis sélectionnées et/ou cultivées avant d'être injectées dans le tissu cardiaque. Le comportement de ces cellules au sein du tissu cardiaque après injection est mal connu : quelles sont leur possibilités de différentiation et/ou prolifération ? Quels les signaux impliqués dans leur migration au tissu lésé ? Sont ils identiques aux signaux de différentiation ? Afin de mieux comprendre le comportement des cellules souches injectées après l'IDM, nous avons, dans un premier temps chercher à savoir s'il existait, au sein du tissu cardiaque, un réservoir de cellules souches comparable à celui isolé dans d'autres organes. Ainsi, nous avons pu isoler, par digestion enzymatique, une population de progéniteurs de type cellules SP (Side Population) au sein du coeur adulte. Les cellules SP cardiaques représentent environ 0,1% de cellules mononuclées présentes au sein du tissu cardiaque, et n'expriment pas le CD45, ce qui permet de les distinguer des SP médullaires. Elles expriment des facteurs transcriptionnels cardiaques de type GATA4 et Nkx2. 5, puis les proteines de cardiomyocytes matures après quelques jours de culture in vitro (myosine, actine). Cependant, l'acquisition d'un phénotype mature contractile, et l'expression de connexines ne se fait uniquement qu'en système de co culture avec des cardiomyocytes adultes. Dans ces conditions, environ 10% des SP cardiaques adoptent un phénotype de cardiomyocytes adultes complet. De manière intéressante, la population SP cardiaque n'est pas homogène et contient probablement plusieurs sous types de progéniteurs. Ainsi, dans nos travaux, il apparaît que seule la population SP / Sca-1+ / CD31- présente des capacités de différentiation en cardiomyocytes. Une autre sous population, SP / Sca1+ / CD31+ présente, elle, des capacités de différentiation en cellules endothéliales. Dans un second temps, après avoir caractérisé cette population, nous avons observé le comportement de ces cellules souches endogènes précocement après IDM. Nous avons pu observer une diminution importante du nombre de cellules progénitrices dans la zone infarcie mais également dans la zone saine après IDM, avec un retour à la normale après 7 jours. Il apparaît que dans cet intervalle d'une semaine, les cellules SP sont capables de proliférer, et probablement de migrer de la zone saine vers la zone infarcie. Certaines cellules SP médullaires migrent également dans le tissu cardiaque où elles semblent, progressivement, changer de phénotype en perdant l'expression du marqueur CD 45. Parallèlement à ces travaux, nous avons étudié l'interaction entre l'hémostase et l'angiogenèse. Le facteur tissulaire (FT), l'initiateur principal de la cascade de la coagulation, est présent dans la paroi vasculaire mais exclu de tout contact avec le sang circulant par l'interposition de l'endothélium. Lors d'un IDM, la rupture de la plaque d'athérome, expose le FT aux facteurs de coagulation du sang circulant et active la cascade de la coagulation menant à la thrombose coronaire. L'arsenal thérapeutique à la phase aigue d'un IDM est donc basée sur l'inhibition de l'hémostase et de l'agrégation plaquettaire. Il existe cependant une interaction étroite entre les l'hémostase et l'angiogenèse. Des travaux récents de notre équipe ont ainsi mis en évidence une corrélation entre les taux de FT circulant et le développement d'une circulation collatérale. Ces interactions sous tendent que certains traitements anti thrombotiques et/ou anticoagulants pourraient influer sur le processus angiogénique indispensable à la réparation tissulaire après IDM. Nous avons donc cherché, dans ce travail, à préciser le rôle du FT dans le développement de l'angiogenèse post natale. A l'aide d'un modèle in vivo d'angiogenèse induite par le bFGF, nous avons pu démontrer que l'inhibition du FT était responsable d'un défaut de maturation des néo vaisseaux, probablement par défaut de migration des péricytes. En utilisant 2 inhibiteurs de la voie du FT, le FFR-VIIa et l'hirudine, nous avons par ailleurs démontré que c'est l'activité protéolytique des complexes FT/FVIIa qui est impliquée dans cette interaction, et non la voie de signalisation extra cellulaire représentée par la cascade de la coagulation. Ainsi, l'inhibition de l'activité protéolytique des complexes FT/FVIIa n'a pas d'effet sur les étapes initiales de l'angiogenèse et notamment la migration et/ou la prolifération des cellules endothéliales, mais altère l'étape finale de maturation des néo vaisseaux. Dans ces conditions, le développement éventuel d'un traitement anti thrombotique basé sur l'inhibition du FT pourrait exercer un effet délétère sur le processus angiogénique inévitablement activé chez le patient coronarien.