Thèse soutenue

Dynamiques de remontée, dégazage et éruption des magmas basaltiques riches en volatils : Traçage par les inclusions vitreuses et modélisation des processus dans le cas de l'Etna, 2000-2002

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Auteur / Autrice : Nicolas Spilliaert
Direction : Patrick AllardClaude Jaupart
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géochimie fondamentale et appliquée
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Paris, Institut de physique du globe

Résumé

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Dans le cadre de cette thèse, nous avons cherché à mieux comprendre les processus de dégazage magmatique et les dynamismes éruptifs associés, à travers l’étude des roches totales et surtout celle, systématique, des inclusions vitreuses piégées par les olivines des produits explosifs de l’Etna. L’étude a porté plus particulièrement sur les basaltes et trachybasaltes émis lors des éruptions de flanc de 2001 et de 2002-2003, indépendantes des conduits centraux, et lors de trois épisodes de fontaines de lave au cratère Sud-Est, en 2000. Nous avons constitué une base de données complète sur les éléments majeurs et les constituants volatils dissous (H2O, CO2, S, Cl et F) dans les magmas de l’Etna. Nous apportons des données nouvelles sur l’abondance en éléments volatils dissous (4%, dont une teneur en eau ≥3,4%) dans le magma basaltique le plus primitif émis à l’Etna depuis 140 ans, et terme parental des trachybasaltes qui alimentent les éruptions actuelles du volcan. Nous proposons que l’évolution géochimique des magmas étnéens depuis 30 ans, résulte d’un mélange entre ce nouveau magma potassique et un terme trachybasaltique, mis en place dans les conduits avant les années 1970. L’analyse isotopique de l’eau et du soufre dissous dans les inclusions les plus primitives (δD entre -120 et -90; ‰ ; δ34S = +2,4±0,4 ‰) conforte l’idée d’une source mantellique, de type OIB, peu affectée par la subduction ionienne toute proche, à l’encontre de certaines hypothèses préalablement formulées. La détermination du CO2 et de l’eau dans les inclusions nous a permis (i) de contraindre les pressions de piégeage des liquides et d’exsolution du soufre, du chlore et du fluor, (ii) d’évaluer les profondeurs de transfert et de stockage du magma, (iii) de proposer un modèle d’évolution des rapports S/Cl et Cl/F dans la phase gazeuse dissoute et exsolvée en fonction de la pression, dans le cas des éruptions latérales et sommitales, et (iv) d’individualiser le rôle du globule de sulfure présent dans les magmas résidant superficiellement dans les conduits centraux. Nous proposons ainsi que les éruptions de flanc en 2001 et 2002 résultent de la remontée et du dégazage, en système fermé, du magma basaltique à trachybasaltique, coexistant avec une phase gazeuse déjà exsolvée. Le magma le plus primitif, remonte d’une profondeur >10 km (sous le niveau de la mer), et est extrudé lors des fontaines de laves. Le plus gros volume de laves produit dérive du transfert du magma trachybasaltique, légèrement plus différencié et stocké à 5±1 km. Lors de son stockage temporaire, ce magma s’appauvrit en eau, en se rééquilibrant avec une phase gazeuse riche en CO2, d’origine profonde. La déshydratation partielle d’un magma, stocké dans les conduits, en relation avec un flux de gaz persistant, riche en CO2, est probablement un processus fréquent à l’Etna et dans d’autres volcans basaltiques. L’évolution modélisée des rapports S/Cl et Cl/F dans la phase gazeuse confirme un dégazage dominant en système fermé en 2001 et 2002. Les valeurs calculées des rapports molaires S/Cl des gaz à la surface de 5,4 à 3,7 et Cl/F de ~2, dépendent de la cinétique de dégazage syn-éruptif du chlore, et sont en parfait accord avec les mesures in situ effectuées par télédétection, au cours de la même période éruptive. Toute ségrégation de bulles de gaz en profondeur se traduit par des rapports S/Cl plus élevés dans la phase gazeuse. Ceci est également vérifié par la modélisation en système fermé du dégazage du magma stagnant superficiellement dans les conduits centraux et saturé vis-à-vis du globule de sulfure. La modélisation en pression de l’évolution de ce rapport permet donc de contraindre les profondeurs d’accumulation et de transfert différentiel des bulles. La valeur des rapports S/Cl et Cl/F dans les gaz ainsi que la nature des produits solides associés apportent de fortes contraintes sur les mécanismes à l’origine des fontaines de laves. Enfin, l’activité de dégazage persistant aux cratères, impliquant une convection efficace dans les conduits, suggèrerait la remontée de magma riche en éléments volatils jusqu’à de faibles profondeurs (≤ 1 km sous les cratères), et le recyclage du magma dégazé, afin d’alimenter les flux gazeux excédentaires. Notre modélisation offre ainsi un cadre général d’interprétation de la composition des émissions gazeuses, et contribue à une meilleure compréhension des processus de dégazage des magmas basaltiques, riches en éléments volatils, à l’Etna.