Memoria renovata : les valeurs de mémoire chez Ciceron
Auteur / Autrice : | Thomas Guard |
Direction : | Guy Sabbah |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langues anciennes. Latin |
Date : | Soutenance en 2005 |
Etablissement(s) : | Lyon 2 |
Mots clés
Résumé
Cicéron recense les usages de la memoria dans le travail de l'orateur. Héritier d'une science qui la considère comme l'une des cinq parties de la rhétorique, il lui accorde cependant plus d'importance que ses prédécesseurs et dépasse ce cadre strictement technique. En effet, la memoria a sa part dans l'anthropologie cicéronienne : individuelle, elle est, ontologiquement, une marque de l'immortalité de l'âme et participe à la définition de l'humanitas. Imprégné de cette idée, Cicéron se bat contre les écoles philosophiques — l'épicurisme et le stoïcisme — qui minimisent la portée éthique de cette faculté. Du reste, l'examen des discours révèle que la memoria, à la base de la conception cicéronienne de l'histoire, prend place également dans la doctrine politique de l'auteur : collective, elle l'aide à définir les camps en présence, assure une cohésion au sein du groupe qu'il entend constituer pour soutenir son action par le consensus tout au long de sa carrière et contribue surtout à la réussite de la concordia. Par ce mécanisme identitaire, il exclut de cette communauté les immemores et rénove la tradition républicaine. Cicéron se livre ainsi dans l'ensemble de son œuvre à une renouatio memoriae qui vise à rendre toute son envergure à la mémoire, trop souvent cantonnée dans un rôle subalterne, réduite tantôt à une pure capacité technique par les rhéteurs, tantôt à un simple réceptacle de perceptions par les philosophies sensualistes. Il en ferait alors le support de la restauration du mos et du réveil des consciences qui pourraient sauver la République. Cicero counts the uses of memoria in the work of orator. Heir to a science which regards it as one of the five parts of rhetoric, he gives however more importance to it than his predecessors and goes beyond this strictly technical conception. Indeed, the memoria has its share in ciceronian anthropology : when individual, it is, ontologically, a mark of the immortality of soul and takes part in the definition of humanitas. Impressed by this idea, Cicero fights against philosophical schools — epicureanism and stoicism — which play down the ethical effects of this faculty. Besides, the examination of speeches reveals that memoria, at the root of ciceronian historical conceptions, can also be found in the political doctrine of the author : when collective, it helps him to define the involved parties, ensures a cohesion within the group which he wants to constitute to support his action by the consensus throughout his career and contributes especially to the success of the concordia. By this process, he expels immemores from this community and renovates the republican tradition. Cicero conceives thus in his whole work a renouatio memoriae which could give back its whole scope to the memory, too often confined in a subordinate role, reduced sometimes to a pure technical ability by the orators, sometimes to a simple tank of perceptions by sensualist philosophies. He would then make it the support of the restoration of mos and of the awareness which could save the Republic.