Thèse soutenue

Dérégulations de l'épissage alternatif de tau dans une pathologie neuromusculaire présentant une taupathie : la Dystrophie Myotonique de Type I

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Auteur / Autrice : Olivier Leroy
Direction : Marie-Laure Caillet-Boudin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biochimie et Biologie moléculaire
Date : Soutenance en 2005
Etablissement(s) : Lille 2

Résumé

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La dystrophie myotonique de type 1 (DM1) est une maladie neuromusculaire multisystémique dont la transmission est autosomale dominante. Cette pathologie est causée par une mutation correspondant à une augmentation du nombre de répétitions d'un trinucléotide (CTG) dans la région non-traduite du gène dmpk. L'hypothèse physiopathologique admise est celle d'un gain de fonction toxique des ARN messagers mutés par lesquels ceux-ci piègeraient des protéines se liant à l'ARN dans des inclusions riboprotéonucléaires nommées foci. Parmi les protéines piégées, on retrouve des facteurs d'épissage. En effet, la DM1 est caractérisée par une altération de l'épissage alternatif de plusieurs transcrits dans différents organes : le canal chlore ClC-1, le récepteur de l'insuline et la myotubularine dans le muscle et la Troponine T cardiaque (cTNT) dans le coeur. Plus récemment, notre laboratoire a montré un défaut d'épissage alternatif des exons 2 et 3 de tau dans les cerveaux DM1. Tau est soumis à un épissage alternatif qui concerne les exons 2, 3, 6 et 10. Dans un cerveau adulte sain, 6 isoformes majeures de tau sont synthétisées. Cependant, l'expression des isoformes ayant inclus les exons 2 et 3 est diminuée dans les cerveaux DM1. Ce défaut pourrait être associé à la dégénérescence neurofibrillaire (DNF) observée dans les cerveaux de patients DM1. La DNF est le stigmate de plusieurs maladies neurodégénératives appelées tauopathies. Elle est caractérisée par l'accumulation intra-neuronale de la protéine inter-microtubulaire Tau. L'objectif de cette thèse a été dans un premier temps de rechercher si l'altération de l'épissage alternatif de tau pouvait toucher d'autres exons hormis le 2 et le 3. Dans un second temps, nous avons recherché les facteurs d'épissage susceptibles de réguler l'épissage alternatif des exons de tau altérés dans la DM1. Ces facteurs constitueraient ainsi des candidats potentiellement responsables des altérations d'épissage observées dans les cerveaux DM1. Pour cela, nous avons utilisé sur du tissu humain (muscle, cerveau) sain et pathologique mais aussi sur des modèles cellulaires neuronaux et gliaux utiles notamment dans l'étude des facteurs candidats. Un nouveau défaut d'épissage alternatif de tau a pu être découvert dans les cerveaux DM1. Il affecte l'exon 6. Cet exon peut être inclus sous trois formes dites 6c, 6p, 6d. La forme 6c correspond à l'inclusion de l'exon 6 complet alors que les formes 6p et 6d correspondent à l'inclusion d'un exon 6 tronqué. Dans les cerveaux DM1, une diminution de l'expression des isoformes 6c et une augmentation des isoformes 6d ont été mises en évidence. Bien que peu de données soient disponibles sur le rôle de l'exon 6, on sait néanmoins que les formes 6d donnent des protéines Tau tronquées sans domaine fonctionnel. Celles-ci, augmentées dans les cerveaux DM1, pourraient avoir un rôle inconnu et/ou un effet toxique sur le neurone provoquant la DNF. Par ailleurs, l'altération de l'épissage alternatif de l'exon 6 dans la DM1 est spécifique au cerveau. A l'inverse, la diminution de l'inclusion des exons 2 et 3 de tau décrite par notre laboratoire dans les cerveaux DM1 a pu également être mise en évidence dans les muscles DM1. Ces résultats suggèrent une régulation différente de l'épissage alternatif des exons 2/3 d'une part et 6 d'autre part. Ainsi, pour la première fois l'existence d'altérations de l'épissage alternatif communes à différents organes (cas exons 2 et 3) mais aussi d'autres tissus spécifiques (cas exon 6) a pu être décrite. Nous avons ensuite mis en évidence deux familles potentiellement impliquées dans les défauts d'épissage alternatif de la DM1 : la famille CELF et la famille muscleblind. Cette étude a été menée en recherchant des différences d'expression de facteurs d'épissage dans les tissus mais aussi dans des modèles cellulaires reproduisant un profil d'épissage de type sain (cellules gliales) ou pathologique (cellules neuronales). La famille de facteurs d'épissage CELF (CUGBP and ETR-3 Like Factor) joue ainsi un rôle important dans la régulation de l'épissage alternatif des exons 2, 3 et 6 de tau. CELF 5 et 6 sont capables de réguler l'épissage alternatif de l'exon 6 alors que ETR-3 entraîne la diminution de l'inclusion des exons 2 et 3 observée dans la pathologie. De plus, ces données confirment la régulation par des facteurs d'épissage différents de l'épissage alternatif des exons 2/3 d'une part et 6 d'autre part. Enfin, les facteurs d'épissage de la famille muscleblind (MBNL1, 2, 3) ont été précédemment décrits non seulement comme étant piégés dans les foci mais aussi comme facteurs régulateurs de plusieurs transcrits dont l'épissage alternatif est altéré dans la DM1. Nous avons pu montré que MBNL1 était impliqué dans l'épissage alternatif de tau. Une diminution de l'expression de muscleblind conduit à une diminution de l'insertion des exons 2 et 3. Ce résultat conforte l'hypothèse selon laquelle les altérations de l'épissage alternatif de la DM1 seraient dues à une perte de fonction de la famille muscleblind suite à son piégeage dans les foci. Cependant, cette hypothèse ne peut être la cause unique des altérations d'épissage car la famille muscleblind n'a aucun effet sur l'exon 6. Ce travail a ainsi été l'occasion de soulever une autre hypothèse sur l'implication de la famille muscleblind dans la DM1 : celle d'un rôle potentiel d'une altération de l'épissage alternatif de MBNL1 lui-même. Ainsi, alors que nous avons décrit de nouvelles isoformes de MBNL1, nous avons observé une différence d'expression d'isoformes entre le muscle sain et le cerveau sain mais surtout entre muscle sain et muscle DM1 d'une part et cerveau sain et cerveau DM1 d'autre part. Il semble donc qu'il y ait une régulation tissu spécifique de l'expression des différentes isoformes de MBNL1 via un épissage alternatif. Celui-ci serait altéré dans les muscles et les cerveaux DM1. Nous recherchons actuellement si ces isoformes sont susceptibles de réguler différemment l'épissage alternatif de tau notamment. Finalement, ETR-3 semble réguler l'épissage alternatif de muscleblind. Les altérations d'épissage alternatif de la DM1 pourraient ainsi être causées non seulement via un piégeage par les foci de MBNL1 mais aussi via une altération de l'épissage alternatif de MBNL1. Dans ce dernier cas, ETR-3 pourrait jouer un rôle majeur. Ainsi, nos résultas suggèrent que les différentes dérégulations de l'épissage alternatif observées dans la DM1 résultent non pas d'un processus unique mais plus probablement de l'implication de différents facteurs d'épissage selon l'exon et le tissu touché. Parmi ces facteurs, les familles CELF et muscleblind jouent probablement un rôle central.