La représentation diabolique dans le théâtre espagnol du Siècle d'or : entre ludisme et moralisme
Auteur / Autrice : | Carole Ducrocq |
Direction : | Christian Andrès |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Études ibériques |
Date : | Soutenance en 2005 |
Etablissement(s) : | Amiens |
Mots clés
Résumé
Le Diable ne cesse de susciter une certaine curiosité et cela, à toute époque. De nos jours, même si on en parle moins, on continue à publier sur cet étrange personnage avec toujours autant d'engouement. Curieusement, malgré les nombreux travaux portés à son égard, une étude de taille, portant sur lui et les siens, dans le théâtre espagnol du Siècle d'Or, en d'autres termes, des 16e et 17e siècles, n'a jamais été réalisée. C'est pourquoi nous avons voulu nous y soustraire, dans le but de combler cet oubli important. Il s'agit là d'une étude complète qui vise à l'étudier, lui et sa horde, sous toutes les coutures. Notre travail consiste dans un premier temps à s'attarder sur ces personnages depuis le Moyen Âge, tant sur leur physique que leur psychique, leur mode de fonctionnement, leur environnement et leur comportement. Le Moyen âge est en fait une période de grande importance qui permet de comprendre leur évolution future, c'est pourquoi il est nécessaire de s'y attarder. A partir de là, nous allons voir qu'au théâtre, ces personnages sont capables de s'assumer pleinement et d'apporter un dynamisme certain à des pièces, qui, sans leur présence, seraient bien fades. Aux 16e et 17e siècles, il est donc impossible de parler du Diable sans parler également de démons, de sorciers, de sorcières, de magiciens, de nécromancie, de pactes sataniques, de possession. . . Le Diable n'est pas seul, il est multiple. On lui rend hommage d'une façon bien étrange, comme lors des fameux sabbats, ces sectes sataniques où l'interdit est vénéré. On meurt pour lui, notamment en périssant dans les flammes, et à la vue de tous (les fameux bûchers). Au théâtre, même s'ils copient de temps à autre leurs prédécesseurs de l'histoire, nos personnages diaboliques ont plus d'une ruse dans leur sac et savent divertir à merveille leurs lecteurs et spectateurs. Tantôt ils suscitent le rire, tantôt l'effroi. Le propre de leur personnalité est de jouer avec leurs victimes, de les égarer, d'envahir leurs pensées, et de les entraîner dans des situations insensées et burlesques. Cette thèse est en somme une étude chronologique sur l'histoire des personnages diaboliques depuis le Moyen Age jusqu'au 17e siècle, principalement axée sur le théâtre espagnol du Siècle d'Or mais aussi une longue critique à leur égard. Quelle image avait-on d'eux en ces temps ? Que symbolisaient-ils ? Le but de tout cela est, bien évidemment, d'étudier comment, au théâtre, les dramaturges espagnols ont su présenter nos personnages diaboliques et voir s'ils ont su leur donner une certaine indépendance et originalité par rapport à leurs '' confrères '' européens. Une chose est sûre, le démon espagnol n'aura rien à leur envier, pas même à ses futures progénitures. Pour ce qui est des démons succubes et incubes, ils seront loin d'être aussi pointus et fins psychologiquement que leur maître. Par ailleurs, grâce à une classification réalisée par divers auteurs, nous saurons quelles sont les grandes spécificités de chacun d'entre eux et leurs faiblesses. Les milieux religieux, comme nous le verrons, ont beaucoup contribué à l'évolution de leur représentation physique, par le biais notamment d'absurdités en tout genre et de croyances non fondées. Mais ils ne seront pas les seuls à avoir agit de la sorte. Le peuple lui aussi va s'en faire sa propre image et leur inventer plusieurs représentations, plus farfelues parfois les unes que les autres ou bien d'une laideur déconcertante. Peu à peu, Diable et démons seront un peu comme la sorcière de deuxième génération (la diabolique) qui, selon certains, sera stéréotypée, façonnée, inventée, pensée. Il en sera donc de même pour nos diables. Le théâtre, de son côté, reprendra de nombreuses représentations diaboliques issues de l'Histoire mais tout en gardant une certaine indépendance. En somme, nous verrons que les dramaturges ressentent un besoin de créativité et qu'ils désirent se distinguer de toutes ces représentations imagées ou imaginées qui envahissent leur quotidien. Calderón, par exemple, offrira au démon espagnol une vraie psychologie, une brillante manière de raisonner, des connaissances hors du commun. Lope, pour sa part, fera du Diable un poète, alors que Valdivielso en fera un fou. En définitive, même si la représentation des démons dans l'Histoire aura considérablement influencé celle du théâtre, les dramaturges espagnols savent, avec finesse, lui apporter d'autres dimensions et bon nombre de caractéristiques qui lui faisait encore défaut auparavant. Ainsi, grâce à divers autosacramentales et comedias, nous constaterons que les dramaturges ont parfois traité différemment la représentation de leurs personnages, cela s'expliquant par tout un contexte religieux, moral ou d'époque. Parfois, il conviendra mieux, dans un auto sacramental, de donner du démon une représentation classique et standard que de lui attribuer par exemple une psychologie grossière ou un physique de bout en train rayonnant. Parler de représentation diabolique ne signifie pas seulement étudier un physique ou une psychologie, la plupart du temps, le démon peut se manifester différemment et pas forcément sous une forme corporelle. S'infiltrer par exemple dans le corps d'un autre personnage ou exercer une influence considérable sur ses pensées ou sous forme de voix sont largement à sa portée. Qui dit démon ne dit donc pas forcément représentation palpable. . .