Prophétisme et opposition politique en Espagne à l'époque de Philippe II : le cas de la ''Santa Cruz de la Restauración'' (1587-1598)
Auteur / Autrice : | Julián Durán |
Direction : | Raphaël Carrasco |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langues romanes et de la Méditerranée. Études Ibériques |
Date : | Soutenance en 2004 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 |
Résumé
Cette étude prétend aborder l'opposition politique dirigée contre Philippe II d'Espagne (1558-1598) par le biais du prophétisme. Ce sont particulièrement les agissements d'un '' conventículo '', la Santa Cruz de la Restauración, réuni autour des visions prétendument prophétiques de Lucrecia de León qui retiennent notre attention. Lucrecia et ses principaux partisans furent arrêtés en mai 1590 par le Saint-Office de Tolède, sur ordre direct du roi. Les autorités les accusaient de sédition avant que de leur reprocher des délits concernant la foi. En plus de prévoir la foudroyante destruction de l'Espagne par une coalition de ses pires ennemis qui devait intervenir dans un avenir très proche, Lucrecia critiquait tant le roi et ses principaux conseillers que de nombreux aspects de la politique qu'ils mettaient en œuvre. Par l'étude précise des procès des différents membres de cette confrérie et en retraçant l'atypique itinéraire d'un des prophètes les plus connus de son temps, le précurseur de Lucrecia, Miguel de Piedrola Beaumont, ce travail prétend éclairer l'étrange milieu des visionnaires contestataires de la fin du règne de Philippe II. L'analyse détaillée du matériau prophétique incroyable que constituent les 433 songes de Lucrecia qui sont parvenus jusqu'à nous nous révélera que ce discours s'intègre dans des traditions prophétiques clairement identifiables mais qu'il les transcende, tant par la thématique que par le style, pour atteindre un autre niveau de discours. Manipulé par un milieu d'opposants à la politique menée par Philippe II et ses proches collaborateurs et même au roi lui-même, le discours de Lucrecia est le vibrant témoignage tout autant d'un refus catégorique de certains secteurs de la société espagnole de souscrire au mot d'ordre de la propagande, qui présente le Roi Prudent comme défenseur incontesté de la religion catholique et de l'Eglise, que d'une profonde lassitude générale des sujets du roi, qui s'estiment sacrifiés sur l'autel des ambitions démesurées de leur souverain.