Thèse soutenue

Évolution du climat et circulation océanique au Crétacé : utilisation de la composition isotopique ([delta]18O, [epsilon]Nd) de dents de poissons
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Auteur / Autrice : Emmanuelle Pucéat
Direction : Christophe Lecuyer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la Terre
Date : Soutenance en 2004
Etablissement(s) : Lyon 1

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Le Crétacé a souvent été considéré comme une époque chaude et climatiquement stable, avec une pression partielle de CO2 dans l'atmosphère estimée à 3 à 10 fois la pression actuelle, qui aurait été à l'origine d'un effet de serre plus important qu'aujourd'hui. Cependant, des études récentes montrent que le climat chaud du Crétacé aurait pu être épisodiquement interrompu par des épisodes froids avec le développement possible de calottes glaciaires d'envergure limitée en hautes latitudes, notamment durant le Crétacé inférieur. L'objectif de cette étude est de préciser l'évolution des températures des eaux marines de surface au cours du Crétacé, de localiser dans le temps les éventuels épisodes froids, et d'étudier l'impact des variations climatiques sur la faune marine et la productivité carbonatée. Dans un premier temps, une courbe représentant l'évolution des températures des eaux marines de surface de la Téthys occidentale (Europe de l'ouest) au cours du Crétacé est construite, grâce à l'analyse des isotopes de l'oxygène de dents de poissons. En effet, le rapport 18O/16O (représenté par la notation d18O) mesuré dans les dents de poissons dépend d'une part du d18O (rapport 18O/16O) de l'eau environnante, et d'autre part de la température de cette eau. Ainsi, en faisant une hypothèse raisonnable sur le d18O de l'eau de mer du Crétacé, et ayant mesuré le d18O des dents de poissons d'une époque considérée, il est alors possible de calculer la température de l'eau environnant le poisson au moment où sa dent s'est formée. L'intérêt d'utiliser l'apatite de dents de poissons et non des coquilles calcitiques d'organismes marins est double: d'une part l'apatite est connue pour la résistance du groupement PO4 à la diagénèse (processus d'altération pouvant modifier la composition isotopique originelle des échantillons par des échanges post-mortem avec les fluides circulants dans les sédiments), et d'autre part l'équation de fractionnement, reliant le d18O mesuré dans l'organisme avec la température et le d18O de l'eau environnante, est la même quelle que soit l'espèce de poisson considérée. Ceci n'est pas le cas de la plupart des organismes à coquille calcitique (brachiopodes, foraminifères,. . . ) pour lesquels des effets vitaux importants et variables selon les espèces sont présents. Cependant, l'altération des dents de poissons reste possible, même si elle est bien moins fréquente que dans le cas des organismes à coquille carbonatée. Il a été proposé par certains auteurs d'utiliser la cristallinité des échantillons d'apatite pour discriminer les échantillons altérés des échantillons sains. Nous nous proposons donc dans le cadre de ce travail de nous intéresser à la relation existant entre cristallinité et altération de l'apatite, en vue d'obtenir un critère objectif d'évaluation de l'état de préservation des échantillons. La détermination de la crystallinité des apatites se fait à l'aide d'un spectromètre Raman, et est basée sur la vibration du pic d'étirement symétrique de la liaison P-O de l'apatite. Cette méthode présente l'avantage d'être très rapide et peu coûteuse, et un grand nombre d'échantillons peut ainsi être traité. La courbe de d18O construite à partir de l'analyse des dents de poissons est ensuite comparée à d'autres courbes obtenues par l'analyse de matériel différent (foraminifères, carbonate en roche totale) et déposé sous différentes latitudes, afin de déterminer si le signal enregistré est un signal climatique global ou si sa signification est uniquement régionale. L'évolution des températures est ensuite mise en relation avec les occurences d'événements anoxiques, locaux (sud-est de la France) et globaux. D'autre part, une compilation de valeurs de d18O est réalisée dans le but d'établir l'évolution des gradients latitudinaux de température au cours du Crétacé supérieur et d'affiner ainsi la compréhension de l'évolution du climat au cours du Crétacé. Une reconstitution de ces gradients est également réalisée à partir d'analyses de dents de poissons, et comparée à la compilation précédente. Les températures obtenues des divers endroits du monde seront également intégrées dans des modèles climatiques, qui permettent d'appréhender la circulation océanique de surface ainsi que la répartition des précipitations. Enfin, une étude des variations à court terme est réalisée sur un étage du Crétacé présentant des variations rapides de températures (Valanginien), qui seront mises en relation avec les crises et migrations de la faune marine. Les températures sont calculées grâce au d18O d'huitres fossiles, qui sont présentes en continu sur une coupe dilatée et bien contrainte biostratigraphiquement du Valanginien. Les huitres sont toutes au préalable examinées à la cathodoluminescence pour tester leur préservation