Thèse soutenue

Analyse sociologique du sentiment de crise chez les travailleurs sociaux

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Auteur / Autrice : Thierry Habersetzer
Direction : François Dubet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance en 2004
Etablissement(s) : Bordeaux 2
Jury : Président / Présidente : Charles-Henry Cuin
Examinateurs / Examinatrices : François Dubet, Charles-Henry Cuin, Brigitte Bouquet, Michel Chauvière

Résumé

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À l'aube du XXIème siècle, les travailleurs sociaux confrontés à de véritables épreuves (changements sociaux, indécisions politiques, remise en cause par les usagers, fin d'un imaginaire de neutralité) perçoivent la société française et leur propre activité à travers un perpétuel sentiment de perte et de chute. Prenant appui sur une enquête de terrain à la fois qualitative et quantitative, sur la presse professionnelle et les différentes lectures sociologiques du travail social, la thèse stipule que la crise tant invoquée par les travailleurs sociaux eux-mêmes est plus imaginaire que réelle. Déjouant les pièges du conservatisme, ils fondent leur credo professionnel sur un principe d'espérance combinant recherche d'une vraie démocratie, anticapitalisme libéral, progressisme mesuré et foi dans la construction européenne. Héros tragiques et romanesques se vivant comme des Justes soumis à un véritable travail de Sisyphe, colonisés par les disciplines universitaires et dépendants de cadres administratifs et médicaux, peu engagés collectivement mais fortement indignés moralement, ils placent leur espoir dans le développement d'un individualisme moral prônant la réalisation de soi. Ils espèrent qu'ainsi leurs clients échapperont aux déterminismes sociaux et psychologiques et influenceront leur destinée. Plus bricoleurs que techniciens, plus moralistes qu'utopistes, les travailleurs sociaux vivent leur propre activité à travers le prisme d'une mauvaise conscience. Pour autant, il faut lire l'imaginaire de la crise non pas simplement comme une excuse, non pas uniquement comme une plainte, encore moins comme un avatar du travail social, mais bien comme une composante fondamentale et existentielle. Véritable mythe constitutif, le sentiment de crise permet aux travailleurs sociaux de mettre à distance les épreuves qu'ils rencontrent au sein des mutations sociales en cours et d'exister au sein des paradoxes multiples inhérents à leur propre activité.