Thèse soutenue

La recherche scientifique en Russie : les modes de fonctionnement des centres de recherche de l'Académie des sciences

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Auteur / Autrice : Vladislav Boussyguine
Direction : Patrick Boulongne
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science économique
Date : Soutenance en 2003
Etablissement(s) : Paris 8

Résumé

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La thèse consiste en une étude économique des centres de recherche de l'Académie des Sciences de Russie (ASR). Cette organisation, qui a traditionnellement été la composante élitaire du système scientifique soviétique puis russe, joue un rôle important dans la vie du pays. Dans un premier temps, la thèse explore le cadre institutionnel dans lequel se situent les centres de recherche de l'ASR. Le texte montre que les changements économiques, survenus dans la société post-soviétique, ont affecté les liens du secteur scientifique avec l'industrie, l'Etat et les organisations étrangères. Le système d'innovation de l'époque soviétique a disparu, remplacé par un système de type nouveau. Par conséquent, l'ASR a dû s'adapter à ces nouvelles conditions. Nous avons noté que ni la structure hiérarchique de l'Académie des Sciences de Russie, ni le mode de prise de décisions n'ont subi de changements notables. Toutefois, au niveau des centres de recherche, cette adaptation a conduit à des processus actifs d'exploration de nouvelles formes organisationnelles. Un certain vide institutionnel, qui est apparu dans l'ASR au niveau des centres de recherche depuis la fin de l'Union Soviétique, a facilité la mise en place de ces nouvelles pratiques. Ces pratiques ayant été le résultat de processus de recherche spontanés et non-coordonnés par l'ASR, il est normal que l'on relève des disparités selon les centres de recherche. La thèse étudie ces nouveaux modes de fonctionnement développés par ces organisations, en s'appuyant sur les travaux parus dans le domaine de l'économie de la science et des théories de l'entreprise. Nous proposons une typologie dans le cadre de laquelle nous distinguons trois classes qui ensemble couvrent la totalité des centres de recherche. Pour chaque classe, nous construisons des modèles de jeux qui nous permettent d'analyser l'efficacité des différents types de structure interne apparus dans les centres de recherche. Nous soulignons la difficulté à définir la notion d'efficacité, et proposons pour cela certains critères. La thèse fait appel à la simulation numérique afin de pouvoir comparer la '' qualité '' de ces modèles, sur la base des critères définis. Ce travail théorique nous permet de défendre l'hypothèse selon laquelle chacun de ces modes peut être le meilleur choix organisationnel en fonction des caractéristiques spécifiques du centre de recherche. Ces caractéristiques sont notamment liées aux domaines d'études dans lesquels sont spécialisées ces organisations et aux techniques de recherche utilisées, ce que l'on peut appeler ''facteurs objectifs''. Une enquête empirique, que nous avons réalisée auprès d'une quinzaine de centres de recherche, ne nous a pas permis de rejeter cette hypothèse. En outre, cette enquête nous a amené à élargir l'ensemble des facteurs pris en considération dans la modélisation, en y ajoutant certains facteurs subjectifs liés aux comportements humains. Nous avons trouvé que, dans la plupart des cas étudiés, les centres de recherche ont choisi les formes organisationnelles adaptées, et cela sans l'intervention d'organes de régulation. Ainsi, nous sommes arrivés à la conclusion que le choix organisationnel devrait être laissé à la compétence des chercheurs. Cette conclusion pourrait servir d'argument en faveur d'une attitude de laissez-faire dans le fonctionnement interne des centres de recherche. Toutefois, cette conclusion ne doit pas être confondue avec la thèse affirmant que la situation actuelle de non-intervention de l'Etat dans le secteur scientifique serait optimale en toutes circonstances. Le fait que les centres de recherche académiques aient pu, dans la plupart des cas, trouver des formes organisationnelles bien adaptées dans les conditions actuelles de fonctionnement global de l'ASR, ne signifie pas l'optimalité de la situation actuelle. Nous pensons que ces conditions actuelles devraient faire l'objet de modifications importantes, sinon de réformes structurelles, dans la mesure où l'Académie des Sciences de Russie devrait elle-même s'adapter afin de se trouver une place appropriée dans le nouveau système d'innovation. Malheureusement, une telle réforme en profondeur s'avère peu probable du fait de l'attitude conservatrice des dirigeants de l'ASR et du poids de leur influence politique.