Thèse soutenue

Les douces violences de la Saudade ou Les transgressions émotionnelles de l'ordre

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Auteur / Autrice : Martin Soares
Direction : François LaplantineIsmael Pordeus
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance en 2001
Etablissement(s) : Lyon 2

Résumé

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Attesté avant le XIIème siècle, le sentiment de la saudade est encore de nos jours l'une des figures les plus complexes des cultures de l'espace lusophone et les nombreuses tentatives de le définir se heurtent à ses antinomies constitutives. Réputé pour être intraduisible, ce phénomène sentimental procède incessamment d'une disjonction conjonctive de ses composants et toute forme de théorisation reste nébuleuse et approximative. L'appareil conceptuel anthropologique et les auxiliaires épistémologiques de sa rationalité ne permettent pas la compréhension de ce complexe affectif qui suscite un autre paradigme dans lequel la personnalité peut se concevoir dans la multiplicité. Pour ce faire, la recherche suit un parcours nomade et transatlantique en se dispersant dans une constellation affective et migratoire, dans laquelle la construction de la mémoire et de l'imaginaire se réalisent dans un rapport d'extériorisation. Ce qui propose une autre vision du temps et de l'espace, une relation au monde qui connaît une multitude de passages de l'Autre. Dans ces rythmes incertains, la question du lien est au centre d'une inquiétude généalogique constante sans pour autant organiser une unité, malgré les tristes tentatives répressives de certaines idéologies obscures. C'est depuis ce contexte d'éclatement des individus que la Saudade se présente comme dynamique d'un métissage des imaginaires et des émotions, œuvrant à construire une autre socialité qui commande la dispersion. Lieu d'une infinité de codes, la tendresse, la violence et la ruse s'y croisent dans un processus d'esthétisation qui permet de transgresser l'ordre des antagonismes par une culture des émotions, et donc de désobéir. Insaisissable et malicieuse, la Saudade permet d'entrevoir ces cultures du ''être triste ensemble'', manière de s'échanger un plaisir commun au Portugal, au Brésil et au Cap-Vert. Il est possible alors d'envisager dans ces franchissements une anthropologie inépuisable des émotions